I. Le périmètre de la compétence GEMAPI
La loi crée un bloc de compétences comprenant les missions relatives à la gestion des milieux aquatiques et de prévention des inondations (GEMAPI), définies à l’article L. 211-7 du Code de l’environnement :
- Aménagement d’un bassin hydrographique
- Entretien et aménagement de cours d’eau, canal, lac ou plan d’eau
- Défense contre les inondations et contre la mer
- Protection et restauration des milieux aquatiques
Ainsi, le législateur a estimé que l’entretien et la restauration des milieux aquatiques sont complémentaires des actions de prévention et de protection contre les inondations. En effet, l’action d’entretien des cours d’eau, qui est nécessaire pour l’atteinte du bon état des eaux au titre de la directive cadre sur l’eau, a en particulier pour objet de maintenir le cours d’eau dans son profil d’équilibre et de permettre l’écoulement naturel des eaux. De même, la restauration et l’entretien de milieux humides connexes aux cours d’eau sont essentiels pour maintenir des zones d’expansion des crues. Néanmoins, les 4 missions visées ci-dessus sont potentiellement plus larges, par exemple l’entretien des plans d’eau privés ou la restauration de la continuité écologique, sans que ces opérations intéressent a priori la prévention des inondations. La collectivité compétente peut entreprendre une action d’entretien du cours d’eau indépendamment de tout effet sur la lutte contre les inondations.
II. Les modalités d’exercices de la compétence GEMAPI
II.A Les acteurs et attributaires de la compétence
o Avant la loi MAPTAM
Avant la loi MAPTAM, la compétence était partagée entre :
- Le propriétaire riverain est responsable de l’entretien de son cours d’eau[1] :
- l’Etat ou la collectivité reste responsable de l’entretien du cours d’eau domanial dont il/elle est propriétaire ;
- Le propriétaire privé riverain reste responsable de l’entretien du cours d’eau non domanial.
- Etat : Conduite de la politique de l’eau, prévention et lutte contre les inondations (gestion des digues notamment).
- Clause de compétence générale des collectivités territoriales: travaux d’intérêt général ou d’urgence (article L.211-7 CE) et opérations groupées d’entretien (article L. 215-5 CE).
- Attribution de compétences statutaires à des groupements de collectivités territoriales.
Le Département est consulté sur les plans, programmes et projets ayant un impact sur l’eau. Il est représenté dans les commissions ad-hoc (en particulier au sein du conseil départemental de l’environnement et des risques sanitaires et technologiques qui rend des avis sur les installations, ouvrages, travaux, aménagements relevant de la loi sur l’eau et les milieux aquatiques). Le département est par ailleurs compétent pour :
- déterminer et mener une politique de protection, de gestion et d’ouverture au public d’espaces naturels sensibles (article L.142-1 du code de l’urbanisme), souvent liée à la gestion des zones humides ;
- la gestion de l’eau, en application de sa compétence d’appui au développement des territoires ruraux, essentiellement pour soutenir les efforts des communes afin d’améliorer la collecte et le traitement des eaux usées ou financer les contrats de rivières (l’aide à l’équipement rural des communes en application de l’ article L.3232-1 et la mise à disposition des communes et des EPCI à fiscalité propre d’une assistance technique en application de l’article L.3232-1-1 du CGCT).
La Région intervient dans l’élaboration de politiques protectrices de l’environnement, et notamment de planification et d’investissement. Son intervention dans le domaine de l’eau est surtout liée au développement durable du territoire :
- Elaboration du schéma régional d’aménagement et de développement durable du territoire (SRADT) ;
- La région co-élabore par ailleurs avec l’Etat le schéma régional de cohérence écologique (SRCE) et est à l’initiative de la création de parcs naturels régionaux et des réserves naturelles régionales ;
- Gestion des fonds européens.
Compétences partagées entre niveaux de collectivités : en application du I de l’article L.211-7 du code de l’environnement, les collectivités ou leur groupement peuvent entreprendre l’étude, l’exécution et l’exploitation de tous travaux, actions, ouvrages ou installations présentant un caractère d’intérêt général ou d’urgence, dans le cadre du schéma d’aménagement et de gestion des eaux (SAGE), s’il existe, et visant :
- L’approvisionnement en eau ;
- La maîtrise des eaux pluviales et de ruissellement ou la lutte contre l’érosion des sols ;
- La lutte contre la pollution ;
- La protection et la conservation des eaux superficielles et souterraines ;
- Les aménagements hydrauliques concourant à la sécurité civile ;
- L’exploitation, l’entretien et l’aménagement d’ouvrages hydrauliques existants ;
- La mise en place et l’exploitation de dispositifs de surveillance de la ressource en eau et des milieux aquatiques ;
- L’animation et la concertation dans le domaine de la gestion et de la protection de la ressource en eau et des milieux aquatiques dans un sous-bassin ou un groupement de sous-bassins, ou dans un système aquifère, correspondant à une unité hydrographique.
Avant l’entrée en vigueur de la loi MAPTAM, la gestion des milieux aquatiques et la prévention des inondations était une compétence facultative, et partagée entre toutes les collectivités et leurs groupements, ce qui ne favorisait pas la vision stratégique à l’échelle d’un bassin versant. C’est pourquoi la loi MPATAM a attribué au bloc communal une compétence ciblée et obligatoire relative à la gestion des milieux aquatiques et la prévention des inondations.
o Après la loi MAPTAM
La loi MAPTAM a attribué la compétence GEMAPI au bloc communal. Cela n’annule pas les possibilités d’intervention des autres niveaux de collectivités dans le domaine de l’eau, en application des autres compétences qui leur sont dévolues. Les propriétaires riverains restent responsables de l’entretien de leur cours d’eau.
Avec la loi MAPTAM, la compétence GEMAPI s’appuie sur des structures opérationnelles, en distinguant trois échelles cohérentes et emboîtées pour la gestion de l’eau :
- Le bloc communal (communes et EPCI-FP). Compétent en matière de GEMAPI, il permet un lien étroit entre la politique d’aménagement et la gestion des milieux aquatiques et la prévention des inondations.
- L’EPAGE : Etablissement public d’aménagement et de gestion de l’eau. Syndicat mixte en charge de la maîtrise d’ouvrage locale et de l’animation territoriale dans le domaine de l’eau à l’échelle du bassin versant de cours d’eau.
- L’EPTB : Etablissement public territorial de bassin, syndicat mixte en charge de la coordination et de la maîtrise d’ouvrage à l’échelle d’un groupement de bassins versants.
Les communes et EPCI à fiscalité propre (dont les communautés de communes) peuvent exercer directement la compétence GEMAPI, ou bien en transférer ou en déléguer tout ou partie à des groupements de collectivités (syndicats de rivière, EPAGE, EPTB).
II.B La mise en œuvre progressive de la compétence
La loi a prévu un dispositif transitoire pour la mise en place de la compétence de gestion des milieux aquatiques et de prévention des inondations, afin de ne pas déstabiliser les structures existantes.
Cette période transitoire, préservant temporairement l’action des structures existantes, permettra aux communes et EPCI à fiscalité propre de fixer les projets et les programmes d’actions, de mettre en place les structures adéquates, de valider leur faisabilité et leur cohérence avec les documents et stratégies d’ensemble, et de stabiliser les processus de financement de la compétence GEMAPI.
- 27 janvier 2014
- Promulgation de la loi MAPAM : les communes et EPCI-FP qui le désirent peuvent mettre en œuvre par anticipation les dispositions relatives à la compétence GEMAPI.
- 1er janvier 2016 > 1er janvier 2018 : période transitoire
- Entrée en vigueur des dispositions créant la compétence GEMAPI et l’attribuant au bloc communal, avec transfert dans le bloc de compétences obligatoires des EPCI à fiscalité propre. Les Communautés de communes pourront cependant définir un intérêt communautaire (répartition de la compétence entre la Communauté et les communes membres).
- Les Conseils généraux, Conseils régionaux, leurs groupements et les autres personnes morales de droit public (dont Syndicats mixtes) assurant des missions GEMAPI au 29 janvier 2014 peuvent continuer à exercer transitoirement ces missions.
- De même, l’Etat (ou ses établissements publics) peut continuer de gérer les ouvrages de protection dont il a la charge, par convention, pour le compte de la commune ou de l’EPCI-FP.
- 1er janvier 2018 : affectation définitive de la compétence au bloc communal
- Fin de la période transitoire préservant l’action des Conseil généraux, régionaux et autres personnes morales de droit public. A cette date, les missions devront avoir été transférées au bloc communal, qui les aura éventuellement transférées ou déléguées à un syndicat mixte.
- Les charges transférées par le département ou la région font l’objet d’une compensation dans le cadre d’une convention.
- 29 janvier 2024
- Fin de la période transitoire pour la gestion des ouvrages de protection par l’Etat (digues). Il n’est pas fait mention pour l’instant des modalités de transfert de cette charge au bloc communal (compensation dans le cadre d’une convention ?).
III. Le transfert integral de la competence d’un EPCI à un Syndicat
La loi MAPTAM attribue la compétence de gestion des milieux aquatiques et de prévention des inondations au bloc communal. Or, l’échelle pertinente pour l’exercice de ces compétences est le bassin versant. Quelles sont alors les modalités de transfert de ces compétences de l’EPCI à fiscalité propre à des syndicats mixtes constitués à l’échelle de bassin versant ?
La loi MAPTAM attribue la compétence de GEMAPI au bloc communal. Les communes et EPCI à fiscalité propre peuvent bien entendu adhérer à des groupements de collectivités (syndicat de rivière, EPAGE, EPTB par exemple), et ce faisant, leur transférer tout ou partie de la compétence de « gestion des milieux aquatiques et de prévention des inondations », permettant ainsi d’assurer les aménagements nécessaires à des échelles hydrographiquement cohérentes.
L’adhésion à un syndicat mixte comporte des conséquences financières pour la participation des membres aux dépenses du syndicat mixte :
- S’agissant des syndicats mixtes fermés, l’article L.5711-1 du CGCT rappelle que les dispositions concernant les syndicats de communes s’appliquent. Le comité du syndicat mixte a donc compétence pour déterminer la contribution des membres associés en fonction des critères déterminés dans les statuts. La contribution des membres associés est obligatoire pendant la durée du syndicat et dans la limite des nécessités du service, telle que les décisions du syndicat l’ont déterminée.
- S’agissant des syndicats mixtes fermés où les membres adhèrent pour une partie seulement des compétences exercées par ce syndicat (« à la carte »), chaque membre supporte obligatoirement dans les conditions fixées par les statuts, les dépenses correspondant aux compétences transférées ainsi qu’une part des dépenses d’administration générale du syndicat mixte (article L.5212-16 du CGCT).
- S’agissant des syndicats mixtes ouverts, ce sont les statuts qui déterminent les modalités de participation des membres adhérents lors de la création.
IV. Le transfert partiel de la compétence
Bien que la loi présente la « gestion de milieux aquatiques et de prévention des inondations » comme une seule compétence, pour des logiques de cohérence de l’action publique contre les inondations, celle-ci est néanmoins « sécable ». Le bloc communal peut transférer ou déléguer tout ou partie des missions constituant la compétence GEMAPI (V de l’article L. 213-12 du code de l’environnement). Par ailleurs, un EPCI à fiscalité propre peut transférer tout ou partie de la compétence à un syndicat mixte sur tout ou partie de son territoire ou à plusieurs syndicats situés chacun sur des parties distinctes de son territoire (article L. 5211-61 du CGCT).
[1] Rappel : l’exercice de la GEMAPI va au-delà du simple entretien régulier du cours d’eau : il s’agit aussi de l’entretien des ouvrages de protection contre les inondations, de l’aménagement des zones d’expansion des crues et de restauration des milieux humides associés.