Dans son rapport du 09 octobre, la Cour des Comptes tire un bilan de la DGF et propose des évolutions, qui ne manqueront pas de faire réagir. Petit tour d’horizon

La Cour dresse des constats partagés :

  • La part de dotations historiques ou figées est majoritaire dans la DGF : dotation forfaitaire issue d’anciennes suppressions d’impôts locaux, dotation de compensation correspondant à l’ancienne suppression de la part salaire de la taxe professionnelle
  • Une part péréquatrice insuffisante pour corriger les inégalités : elle représente 45% de la DGF des communes, mais 27% de la DGF des EPCI et 19% de la DGF des départements,
  • La DGF a contribué à la réduction du déficit de l’Etat, par les réductions successives et absences d’indexation,
  • Une répartition trop complexe (260 variables), soumise à de nombreuses règles, et peu lisible,
  • Des inégalités de richesse qui tendent à se réduire avec les années, principalement du fait de la réduction de la dotation forfaitaire ou dotation de compensation et à l’augmentation des dotations de péréquation.

Et propose une refonte de l’architecture de la DGF :

  • Intégrer la taxe de séjour et les fractions d’impôts nationaux (taxe sur les conventions d’assurance, taxes sur les énergies), dans le potentiel fiscal
  • Appliquer à toute dotation, des critères actualisés et récents, et ne plus tenir compte d’historique : suppression des crédits de la dotation forfaitaire et redéploiement vers les dotations de péréquation, actualisation de la liste des communes bourg-centre ;
  • Utiliser des critères de charges tels que le revenu imposable par habitant et la densité de population, et recommandation d’a minima fiabiliser le critère de longueur de voirie, voire de ne plus l’utiliser,
  • Encourager par des incitations financières à répartir la DGF des communes à leurs EPCI,
  • Supprimer les dotations de péréquation « trop larges » : fraction péréquation de la dotation de solidarité rurale (attribuée à 98% des communes de moins de 10 000 habitants), dotation nationale de péréquation, et réaffecter les crédits sur les autres dotations de péréquation
  • Suppression des garanties de non-baisse, remplacer par des plafonnements à la hausse ou à la baisse, permettant de lisser dans le temps les variations, et exprimés en €/hab.

A terme, la DGF telle que proposée par la Cour des Comptes serait recentrée :

  • Pour les communes : la DSR Bourg centre, DSR Cible, la DSU,
  • Pour les EPCI : la dotation d’intercommunalité,
  • Plus de DGF pour les départements, leur DGF étant en totalité incluse dans les variables d’ajustement et donc en réduction annuelle.
  • Avec un lissage dans le temps.

La Cour note que cette réforme pourrait représenter un coût pour l’Etat, au moins temporairement le temps de la période de lissage. Mais pour la Cour des Comptes, toute réforme doit se faire sans coût supplémentaire pour l’Etat, et elle formule donc des propositions :

Financer l’éventuel coût pour l’Etat d’une réforme de la DGF par la réduction à due concurrence d’autres concours financiers de l’Etat aux collectivités (les fractions de TVA sont le seul concours cité).

Cette réduction serait “simple” à mettre en place pour les EPCI , nous dit la Cour des Comptes : le coût de la réforme de leur DGF serait imputé sur la fraction nationale de TVA affectée aux intercommunalités.

Pour les communes, non dotées pour la plupart de fractions de TVA, la Cour des Comptes a aussi des propositions :

  • Soit les communes (au niveau national) acceptent que leur DGF soit répartie par l’EPCI, et dans ce cas, le coût de la réforme pourra être imputé sur la fraction TVA des EPCI, à charge pour les EPCI de réduire les DGF des communes,
  • Soit les communes n’acceptent pas le transfert de leur DGF à l’intercommunalité, et dans ce cas, ce serait les attributions de compensation versées par les EPCI aux communes, qui seraient réduites, afin de compenser l’EPCI de la part de réduction de ses fractions de TVA imputables aux communes.

La Cour n’évoque pas un aspect de ses propositions de refonte de la DGF : Quelles sont les chances qu’une telle réforme voit le jour ?

Diminution du taux de remboursement FCTVA et exclusion des dépenses de fonctionnement

Le taux de remboursement du FCTVA est de 16,404% de la dépense en euros TTC.

L’article 30 apporte 2 modifications d’ampleurs sur le FCTVA, à compter des attributions de FCTVA versées au 01/01/2025 :

  • Recentrage du FCTVA sur les dépenses d’investissement : les dépenses de fonctionnement ne sont plus éligibles au FCTVA ;
  • Le taux du FCTVA est diminué de 10% : il passe dès 2025 à 14,85% de la dépenses TTC, pour les attributions de FCTVA dès le 1er janvier 2025 (donc pour les dépenses éligibles de 2023 pour les communes qui sont, pour le plus grand nombre, en décalage de 2 années.

Il y a donc un bouleversement des plans de financement des collectivités, en particulier des communes, qui sont en décalage de 1 ou 2 années entre la dépense éligible et l’attribution du FCTVA, mais aussi pour les EPCI qui n’auraient pas reçu la totalité de leurs attributions de FCTVA 2024 sur l’exercice 2024.

Gel des fractions de TVA TH et CVAE pour 2025

Les fractions de TVA affectés aux collectivités en compensation de la suppression de la taxe d’habitation sur les résidences principales, et de la cotisation sur la valeur ajoutée, versées pour l’année 2024, sont reconduites en 2025.

Notons que l’exposé des motifs de l’article évoque, au titre des avantages de cette mesure, la garantie de stabilité des transferts de TVA, et l’amélioration de la prévisibilité de la recette, compte tenu de l’absence de régularisation !

En l’état, cet article ne prévoit cette mesure que pour l’année 2025, comme c’est le cas pour les variables d’ajustement de la DGF dont les dispositions sont valables annuellement mais reconduites pour une année supplémentaire à chaque loi de finances.

A compter de 2025, un prélèvement est institué sur les ressources des impositions versées aux communes, EPCI, départements et régions, dont les dépenses réelles de fonctionnement constatées au compte de gestion de l’année 2023 du budget principal, sont supérieures à 40M€.

Le prélèvement est mis en place lorsque le solde des comptes des administrations publiques locales, mentionné à l’article liminaire de la loi de finances d’une année pour l’année concernée, est supérieur au solde des comptes des administrations publiques locales constatés dans les comptes des collectivités l’année précédente (2024 pour 2025).

Ce prélèvement ne peut excéder 2% des recettes réelles de fonctionnement minorées des atténuations de produits et des produits des mises à disposition de personnels facturés dans le cadre d’une mutualisation entre EPCI et ses communes membres.

Le prélèvement est réparti entre collectivités au prorata des sommes nettes transitant par les comptes d’avances aux collectivités territoriales de l’Etat, qui concerne l’ensemble des recettes fiscales. Le prélèvement sera ensuite imputé sur les douzièmes mensuels versés aux collectivités.

Sont exonérées de ce prélèvement, observés sur l’année précédant le prélèvement :

  • Les 250 premières communes éligibles à la DSU,
  • Les 2500 premières communes éligibles à la DSR Fraction péréquation,
  • Les EPT dont l’ensemble intercommunal n’est pas contributeur au FPIC,
  • Les 300 premiers EPCI classés en fonction de l’indice d’écart de potentiel fiscal et de revenu imposable, utilisé pour la part péréquation de la dotation d’intercommunalité,
  • Les 25 premiers départements classés en fonction de l’indice de fragilité sociale,
  • Les régions qui ne sont pas contributrices au fonds de solidarité régionale.

Le solde prévisionnel des administrations publiques locales est présenté ci-dessous. Il signifie que pour 2025, le Gouvernement table sur une réduction de l’endettement des collectivités territoriales, à hauteur de 0,7% du PIB.

Notons que l’écart entre prévision pour 2024 (-0,4% du PIB) et comptes prévisionnels 2023 (-0,3% du PIB), n’était « que » de 0,1%.

Certaines collectivités et EPCI seront exonérés au regard de leur éligibilité aux dotations de péréquation, mais suivant des critères définis par décret, notamment leur classement au regard du FPIC. Ces données n’étant pas connu à l’heure de rédaction du mémoire, c’est l’ensemble des collectivités dotées de plus de 40M€ de dépenses réelles de fonctionnement qui sont simulées.

Intercommunalités de France (lien) a diffusé jeudi 10 octobre 20204, une projection sur cette base ; le prélèvement varie de 0,8M€ (Kourou) à 154M€ (ville de Paris). Parmi les collectivités qui seraient concernées, le prélèvement atteindrait en moyenne 2,75M€ pour une commune, et 3,2M€ pour une intercommunalité. Il s’agit d’estimations, qui seront à réviser selon la liste des collectivités effectivement éligibles : en l’état, l’ensemble des collectivités concernées ayant été prises en compte, le montant prélevé pourrait s’accroître.

Les sommes prélevées viendraient abonder un fonds de réserve. Pour 2025, il s’agira d’un prélèvement sans redistribution. A compter de 2026, les sommes prélevées seront reversées par tiers, chaque année, le FPIC, le fonds national de péréquation des DMTO des départements, et le fonds de solidarité régionale.

Pour les communes et EPCI, le prélèvement atteindrait en 2025 1,3Mds€ ; en 2026, l’abondement pour le FPIC pourrait donc être d’un tiers de cette somme, soit 437M€, et une progression de près de 50% de l’enveloppe du reversement FPIC ! En 2027, si le prélèvement 2026 est maintenu au même niveau, ce serait donc un abondement du FPIC de 1/3 du prélèvement 2025 et 1/3 du prélèvement 2026, soit un doublement de l’abondement. Il y aurait donc une montée en puissance jusqu’en 2027.

Notons enfin que cette mesure constitue une économie pour l’Etat, puisque celui-ci réduira les douzièmes mensuels versés aux collectivités, et qu’il n’y aura pas de mise en « réserve » pour 2025. L’économie sera moindre en 2026, puisque l’Etat devrait conserver les 2/3 du prélèvement et reverser 1/3 aux collectivités, et enfin en 2027, l’impact de ce prélèvement sera neutre pour les finances de l’Etat … si le niveau du prélèvement annuel perdure et à un niveau suffisant. A défaut, l’abondement constituera une charge supplémentaire pour le budget de l’Etat.

Le cabinet Exfilo vous met à disposition son analyse du projet de loi de finances pour 2025.

Parmi les mesures de ce projet de loi de finances :

  • Réduction du taux de remboursement de la TVA dans le FCTVA : passage de 16,404% à 14,85% dès 2025 !
  • Fin d’éligibilité des dépenses de fonctionnement au FCTVA,
  • Gel des fractions de TVA, taxe d’habitation et CVAE, à leur niveau 2024 pour 2025,
  • Mise en place d’un prélèvement sur les douzièmes mensuels des collectivités dont les dépenses réelles de fonctionnement au budget principal dépassent les 40M€,
  • Réintégration des communes classées ZRR mais non classées FRR,
  • Réduction de -21,57% de la DCRTP des communes, de -16,8% de la DCRTP des EPCI,
  • Réduction des attributions des FDTP de -21,3%

Des mesures qui, à n’en pas douter, feront l’objet de nombreux amendements.