Après l’annonce par le Président de la République d’une réforme de la DGF courant 2024, le Comité des Finances Locales lors de sa réunion de fin janvier 2024, a engagé les travaux. Son président, André Laignel, a rappelé que la réforme de la DGF ne partait pas d’une « page blanche », compte tenu du rapport qui avait été réalisé en 2015, par la députée Pirès-Beaune.

C’est donc l’occasion de se remémorer les grands axes de la réforme proposée en 2015 (lien vers le rapport).

La mission parlementaire relative à la réforme des concours financiers de l’Etat aux collectivités locales, avait préconisé, dans son rapport du 5 mai 2015, la mise en place, d’une DGF plus juste simple et lisible et qui prenne en compte les réalités de la gestion locale. La réforme porte principalement sur le bloc communal (communes et intercommunalités) qui représente 60% de l’enveloppe totale de la DGF.

La réforme se divise en 5 leviers :

1- La rénovation de la dotation forfaitaire des communes

La commission avait proposé une nouvelle répartition des différentes enveloppes forfaitaires qui comprennent :

  • la dotation universelle de fonctionnement, elle correspond à un montant unique par habitant non lié à la taille démographique de la commune. Garantie à toutes les communes, elle est préservée de toute ponction (la minoration de la DGF ne s’appliquerait pas sur cette partie).
  • la dotation de charge de centralité , elle correspond à un montant par habitant, croissant selon la taille démographique de la commune, institué selon un seuil de population déterminé.
  • la dotation de charge de ruralité, elle est fixée en fonction du critère de densité (nb hab. /km carré) et tient compte de la spécificité de certains territoires comme les communes de montagne ou insulaires.
  • la dotation de transition , elle permet de diminuer progressivement les écarts injustifiés de la DGF et doit disparaître dans 5 à 10 ans. Elle peut être le vecteur de la contribution au redressement des finances publiques et favorise la péréquation.

2- Renforcer le ciblage de la péréquation verticale et mieux articuler avec la péréquation horizontale

Le rapport prescrit une réforme des dotations de solidarité urbaine et rurale (DSU et DSR), et une suppression de la dotation nationale de péréquation (DNP). Les conditions d’exigibilité à la DSU sont resserrées en fonction d’un indice de ressources et de charges. Les seuils sont supprimés avec une majoration pour les communes urbaines les plus défavorisées. Les conditions d’exigibilité de la DSR sont également resserrées, celle-ci complète les fonds alloués au titre de la part « charge ruralité » de la dotation forfaitaire et intègre une majoration pour les communes rurales les plus défavorisées.
Des mesures d’exonération au fonds de péréquation de ressources intercommunales et communales (FPIC) sont mises en place ainsi qu’une évaluation régulière des effets cumulés des dispositifs et de leur efficacité.

3- Créer une DGF des EPCI, distincte de celle des communes

Une DGF EPCI autonome est proposée avec une architecture proche de la DGF des communes. Elle comprend :

  • Une dotation universelle de fonctionnement basée sur un montant unique par habitant qui ne prend pas en compte la catégorie juridique de l’EPCI et préservée de toute ponction.
  • Une dotation de péréquation : elle est calculée en fonction du potentiel et de l’effort fiscal de l’EPCI.
  • Une dotation d’intégration et de mutualisation qui prend en compte le coefficient d’intégration fiscale (CIF) et le coefficient d’intégration et de mutualisation (CIM).
  • Une dotation de transition, de même que pour les communes.

4- Aménager une DGF locale qui préserve l’autonomie des communes et intègre le fait intercommunal.

La commission souhaite faire évoluer la DGF des communes et des EPCI vers une «DGF locale » en établissant plusieurs scenarii qui propose le schéma de base suivant :

  • une part non territorialisée calculée sur la base de critères propres à la commune ou à l’EPCI et répartie dans les conditions fixées par la loi sans dérogation possible.
  • une part territorialisée calculée sur la base de critères agrégés au niveau intercommunal et répartie dans les conditions fixées par la loi avec possibilité de dérogation par un vote à la majorité renforcée.

Le maintien d’une base non territorialisée est préconisé. L’Etat verse les deux parties de la DGF locale afin de garder un lien financier direct avec les communes. Néanmoins l’EPCI peut conditionner le versement de la part territorialisé aux communes à un vote à l’unanimité. Ils pourraient ainsi choisir une répartition adaptée en fonction des spécialités de leur territoire.

5- Réexaminer les critères d’éligibilité et de répartition de la DGF et leur cohérence

Les critères pris en compte doivent être réévalués pour permettre davantage de cohérence et de transparence dans la répartition de la DGF. Pour cela la commission propose :

  • le renforcement du critère du nombre de logements sociaux
  • une plus grande prise en compte du critère de l’effort fiscal
  • une actualisation des critères des potentiels fiscaux et financiers
  • la prise en compte du coefficient d’intégration et de mutualisation en lien avec le CIF.

Les organes délibérants des EPCI et des communes membres peuvent, par délibérations concordantes, choisir une répartition dérogatoire du prélèvement ou du reversement au titre du Fonds de péréquation des ressources intercommunales et communales (FPIC).

Pour mémoire, la première option de répartition dérogatoire, prise à la majorité des 2/3, entre le conseil communautaire et ses communes membres, permet de s’écarter au plus de 30% de la répartition de droit commun. La seconde option, dite répartition libre, permet de s’affranchir des règles de droit commun, par délibération concordante à l’unanimité du conseil communautaire, ou à la majorité des 2/3 du conseil communautaire avec l’accord des conseils municipaux.

La délibération (ou les) n’avait jusque-là qu’une portée annuelle, obligeant le conseil communautaire à reprendre chaque année dans les deux mois suivant la notification, une délibération en cas de volonté de répartition dérogatoire.

La loi de finances pour 2024 a apporté un peu de pérennité aux délibérations, en les rendant tacitement pluriannuelles, tant que :

  • Elles ne sont pas rapportées ou modifiées par les organes délibérants,
  • Que le conseil communautaire ou le conseil municipal d’une commune membre ne demande pas par délibération à ce qu’elles soient modifiées, dans un délai de deux mois à compter de la notification du FPIC,
  • Que le périmètre de l’intercommunalité ne varie pas au 1er janvier (extension ou réduction).

Chacun de ces trois cas de figure rendra caduque la délibération de répartition du FPIC, et nécessitera de prendre une nouvelle délibération de répartition.

Pour ce faire, l’article L.2336-3 du code général des collectivités territoriales, introduit au II bis, une règle de calcul des répartitions futures, en l’absence de nouvelles délibérations : les montants futurs de reversement ou de prélèvement seront ventilés entre communes et EPCI au prorata des parts respectives de chacun.

Ce faisant, le système est imparfait. Il a le mérite d’introduire une règle permettant de s’adapter à toutes les situations ; mais les critères de répartition initialement choisis n’évolueront plus. Ainsi, la répartition entre EPCI et communes membres n’évoluera pas en fonction du CIF (cas générique), tant qu’une nouvelle délibération de répartition dérogatoire n’aura pas été prise, ou qu’un retour à la répartition de droit commun n’aura été engagé.

Dans un souci d’équité entre les intercommunalités à fiscalité professionnelle unique, qui reçoivent la dotation de compensation de leurs communes et subissent chaque année une minoration au titre des variables d’ajustement (en diminution pour financer la croissance de la DGF), et les intercommunalités à fiscalité additionnelle, beaucoup plus épargnées puisque les dotations de compensation communales sont restées au niveau communal, et ne sont pas impactées par les baisses annuelles, l’article 204 de la loi de finances pour 2024 intègre l’obligation du transfert, pour tous les EPCI à fiscalité additionnelle, des dotations de compensation communales vers l’intercommunalité, à charge pour ces dernières de reverser à ses communes membres « une attribution », à l’image du régime de la fiscalité professionnelle unique (FPU).

Ainsi, en 2024, les DGF des toutes les communes membres d’EPCI en fiscalité additionnelle vont diminuer (perte de la dotation de compensation) et leurs EPCI respectifs devront leur reverser une attribution équivalente. Ceci sera donc budgétairement neutre pour les communes.

Mais, les EPCI à fiscalité additionnelle, subiront ainsi la diminution des dotations de compensation alors qu’ils doivent reverser à leurs communes membres un montant figé.

Article L.5211-32 CGCT:

A compter de 2024, les établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre ne faisant pas application de l’article 1609 nonies C du code général des impôts reversent une attribution à leurs communes membres.

Cette attribution est déterminée à partir des montants perçus en 2014, en application du I du D de l’article 44 de la loi de finances pour 1999 (no 98-1266 du 30 décembre 1998), indexés jusqu’en 2023 dans les conditions prévues à l’avant-dernier alinéa du III de l’article L. 2334-7 du présent code et constatés à l’issue de la répartition de la dotation forfaitaire de chaque commune au titre de l’année 2023. Le taux d’indexation annuel de chaque commune est plafonné à 1.

Ces attributions sont constatées chaque année par arrêté du ministre chargé des collectivités territoriales. Elles constituent des dépenses obligatoires des établissements publics de coopération intercommunale.

Un décret en Conseil d’Etat précise les modalités d’application du présent article. »

Les bases d’imposition sont revalorisées chaque année par l’application d’un coefficient de revalorisation forfaitaire des valeurs locatives. Celui-ci est calculé depuis 2018 comme l’évolution de l’indice des prix à la consommation harmonisé (IPCH) entre les mois de novembre 2023 et novembre 2022. Il s’établit à 3,86% pour 2024.

Pour mémoire, les valeurs locatives des locaux professionnels ne sont pas indexées par le coefficient de revalorisation forfaitaire, mais actualisées par la révision annuelle de la grille tarifaire.

Ainsi, les valeurs locatives des locaux d’habitation, industriels et des autres locaux à l’exception des locaux professionnels sont revalorisées par le coefficient de revalorisation forfaitaire des valeurs locatives.