Articles sur la péréquation verticale et horizontale

Dans son rapport du 09 octobre, la Cour des Comptes tire un bilan de la DGF et propose des évolutions, qui ne manqueront pas de faire réagir. Petit tour d’horizon

La Cour dresse des constats partagés :

  • La part de dotations historiques ou figées est majoritaire dans la DGF : dotation forfaitaire issue d’anciennes suppressions d’impôts locaux, dotation de compensation correspondant à l’ancienne suppression de la part salaire de la taxe professionnelle
  • Une part péréquatrice insuffisante pour corriger les inégalités : elle représente 45% de la DGF des communes, mais 27% de la DGF des EPCI et 19% de la DGF des départements,
  • La DGF a contribué à la réduction du déficit de l’Etat, par les réductions successives et absences d’indexation,
  • Une répartition trop complexe (260 variables), soumise à de nombreuses règles, et peu lisible,
  • Des inégalités de richesse qui tendent à se réduire avec les années, principalement du fait de la réduction de la dotation forfaitaire ou dotation de compensation et à l’augmentation des dotations de péréquation.

Et propose une refonte de l’architecture de la DGF :

  • Intégrer la taxe de séjour et les fractions d’impôts nationaux (taxe sur les conventions d’assurance, taxes sur les énergies), dans le potentiel fiscal
  • Appliquer à toute dotation, des critères actualisés et récents, et ne plus tenir compte d’historique : suppression des crédits de la dotation forfaitaire et redéploiement vers les dotations de péréquation, actualisation de la liste des communes bourg-centre ;
  • Utiliser des critères de charges tels que le revenu imposable par habitant et la densité de population, et recommandation d’a minima fiabiliser le critère de longueur de voirie, voire de ne plus l’utiliser,
  • Encourager par des incitations financières à répartir la DGF des communes à leurs EPCI,
  • Supprimer les dotations de péréquation « trop larges » : fraction péréquation de la dotation de solidarité rurale (attribuée à 98% des communes de moins de 10 000 habitants), dotation nationale de péréquation, et réaffecter les crédits sur les autres dotations de péréquation
  • Suppression des garanties de non-baisse, remplacer par des plafonnements à la hausse ou à la baisse, permettant de lisser dans le temps les variations, et exprimés en €/hab.

A terme, la DGF telle que proposée par la Cour des Comptes serait recentrée :

  • Pour les communes : la DSR Bourg centre, DSR Cible, la DSU,
  • Pour les EPCI : la dotation d’intercommunalité,
  • Plus de DGF pour les départements, leur DGF étant en totalité incluse dans les variables d’ajustement et donc en réduction annuelle.
  • Avec un lissage dans le temps.

La Cour note que cette réforme pourrait représenter un coût pour l’Etat, au moins temporairement le temps de la période de lissage. Mais pour la Cour des Comptes, toute réforme doit se faire sans coût supplémentaire pour l’Etat, et elle formule donc des propositions :

Financer l’éventuel coût pour l’Etat d’une réforme de la DGF par la réduction à due concurrence d’autres concours financiers de l’Etat aux collectivités (les fractions de TVA sont le seul concours cité).

Cette réduction serait “simple” à mettre en place pour les EPCI , nous dit la Cour des Comptes : le coût de la réforme de leur DGF serait imputé sur la fraction nationale de TVA affectée aux intercommunalités.

Pour les communes, non dotées pour la plupart de fractions de TVA, la Cour des Comptes a aussi des propositions :

  • Soit les communes (au niveau national) acceptent que leur DGF soit répartie par l’EPCI, et dans ce cas, le coût de la réforme pourra être imputé sur la fraction TVA des EPCI, à charge pour les EPCI de réduire les DGF des communes,
  • Soit les communes n’acceptent pas le transfert de leur DGF à l’intercommunalité, et dans ce cas, ce serait les attributions de compensation versées par les EPCI aux communes, qui seraient réduites, afin de compenser l’EPCI de la part de réduction de ses fractions de TVA imputables aux communes.

La Cour n’évoque pas un aspect de ses propositions de refonte de la DGF : Quelles sont les chances qu’une telle réforme voit le jour ?

De retour en 2024 ! Il a pu être oublié mais, en application de la loi de finances pour 2023 (article 195), l’écrêtement de la dotation forfaitaire des communes a été « suspendu » pour 2023 et uniquement pour 2023.

« VI. en 2023, il n’est pas fait application du dernier alinéa du III de l’article L.2334-7 » du code général des collectivités territoriales.

Ce mécanisme n’a pas été reconduit en loi de finances pour 2024, l’écrêtement de la dotation forfaitaire reprendra donc à partir de 2024.

Pour mémoire, l’écrêtement de la dotation forfaitaire concerne les communes dont le potentiel fiscal par habitant logarithmé (application d’un coefficient qui varie en fonction croissante de la population, et réduit d’autant plus le potentiel fiscal par habitant que la population DGF est importante) est supérieur à 0,85 fois le potentiel fiscal moyen par habitant logarithmé. Cet écrêtement est plafonné à 1% des recettes réelles de fonctionnement constatées au compte administratif du budget principal de la pénultième année (N-2), donc celui de l’année 2022 pour la DGF 2024.

Le montant de l’écrêtement n’est pas uniforme, il dépend de l’écart entre le potentiel fiscal et 0,85% du potentiel fiscal moyen, pondéré par la population DGF et une valeur de point.

Après l’annonce par le Président de la République d’une réforme de la DGF courant 2024, le Comité des Finances Locales lors de sa réunion de fin janvier 2024, a engagé les travaux. Son président, André Laignel, a rappelé que la réforme de la DGF ne partait pas d’une “page blanche”, compte tenu du rapport qui avait été réalisé en 2015, par la députée Pirès-Beaune.

C’est donc l’occasion de se remémorer les grands axes de la réforme proposée en 2015 (lien vers le rapport).

La mission parlementaire relative à la réforme des concours financiers de l’Etat aux collectivités locales, avait préconisé, dans son rapport du 5 mai 2015, la mise en place, d’une DGF plus juste simple et lisible et qui prenne en compte les réalités de la gestion locale. La réforme porte principalement sur le bloc communal (communes et intercommunalités) qui représente 60% de l’enveloppe totale de la DGF.

La réforme se divise en 5 leviers :

1- La rénovation de la dotation forfaitaire des communes

La commission avait proposé une nouvelle répartition des différentes enveloppes forfaitaires qui comprennent :

  • la dotation universelle de fonctionnement, elle correspond à un montant unique par habitant non lié à la taille démographique de la commune. Garantie à toutes les communes, elle est préservée de toute ponction (la minoration de la DGF ne s’appliquerait pas sur cette partie).
  • la dotation de charge de centralité , elle correspond à un montant par habitant, croissant selon la taille démographique de la commune, institué selon un seuil de population déterminé.
  • la dotation de charge de ruralité, elle est fixée en fonction du critère de densité (nb hab. /km carré) et tient compte de la spécificité de certains territoires comme les communes de montagne ou insulaires.
  • la dotation de transition , elle permet de diminuer progressivement les écarts injustifiés de la DGF et doit disparaître dans 5 à 10 ans. Elle peut être le vecteur de la contribution au redressement des finances publiques et favorise la péréquation.

2- Renforcer le ciblage de la péréquation verticale et mieux articuler avec la péréquation horizontale

Le rapport prescrit une réforme des dotations de solidarité urbaine et rurale (DSU et DSR), et une suppression de la dotation nationale de péréquation (DNP). Les conditions d’exigibilité à la DSU sont resserrées en fonction d’un indice de ressources et de charges. Les seuils sont supprimés avec une majoration pour les communes urbaines les plus défavorisées. Les conditions d’exigibilité de la DSR sont également resserrées, celle-ci complète les fonds alloués au titre de la part « charge ruralité » de la dotation forfaitaire et intègre une majoration pour les communes rurales les plus défavorisées.
Des mesures d’exonération au fonds de péréquation de ressources intercommunales et communales (FPIC) sont mises en place ainsi qu’une évaluation régulière des effets cumulés des dispositifs et de leur efficacité.

3- Créer une DGF des EPCI, distincte de celle des communes

Une DGF EPCI autonome est proposée avec une architecture proche de la DGF des communes. Elle comprend :

  • Une dotation universelle de fonctionnement basée sur un montant unique par habitant qui ne prend pas en compte la catégorie juridique de l’EPCI et préservée de toute ponction.
  • Une dotation de péréquation : elle est calculée en fonction du potentiel et de l’effort fiscal de l’EPCI.
  • Une dotation d’intégration et de mutualisation qui prend en compte le coefficient d’intégration fiscale (CIF) et le coefficient d’intégration et de mutualisation (CIM).
  • Une dotation de transition, de même que pour les communes.

4- Aménager une DGF locale qui préserve l’autonomie des communes et intègre le fait intercommunal.

La commission souhaite faire évoluer la DGF des communes et des EPCI vers une «DGF locale » en établissant plusieurs scenarii qui propose le schéma de base suivant :

  • une part non territorialisée calculée sur la base de critères propres à la commune ou à l’EPCI et répartie dans les conditions fixées par la loi sans dérogation possible.
  • une part territorialisée calculée sur la base de critères agrégés au niveau intercommunal et répartie dans les conditions fixées par la loi avec possibilité de dérogation par un vote à la majorité renforcée.

Le maintien d’une base non territorialisée est préconisé. L’Etat verse les deux parties de la DGF locale afin de garder un lien financier direct avec les communes. Néanmoins l’EPCI peut conditionner le versement de la part territorialisé aux communes à un vote à l’unanimité. Ils pourraient ainsi choisir une répartition adaptée en fonction des spécialités de leur territoire.

5- Réexaminer les critères d’éligibilité et de répartition de la DGF et leur cohérence

Les critères pris en compte doivent être réévalués pour permettre davantage de cohérence et de transparence dans la répartition de la DGF. Pour cela la commission propose :

  • le renforcement du critère du nombre de logements sociaux
  • une plus grande prise en compte du critère de l’effort fiscal
  • une actualisation des critères des potentiels fiscaux et financiers
  • la prise en compte du coefficient d’intégration et de mutualisation en lien avec le CIF.

Les organes délibérants des EPCI et des communes membres peuvent, par délibérations concordantes, choisir une répartition dérogatoire du prélèvement ou du reversement au titre du Fonds de péréquation des ressources intercommunales et communales (FPIC).

Pour mémoire, la première option de répartition dérogatoire, prise à la majorité des 2/3, entre le conseil communautaire et ses communes membres, permet de s’écarter au plus de 30% de la répartition de droit commun. La seconde option, dite répartition libre, permet de s’affranchir des règles de droit commun, par délibération concordante à l’unanimité du conseil communautaire, ou à la majorité des 2/3 du conseil communautaire avec l’accord des conseils municipaux.

La délibération (ou les) n’avait jusque-là qu’une portée annuelle, obligeant le conseil communautaire à reprendre chaque année dans les deux mois suivant la notification, une délibération en cas de volonté de répartition dérogatoire.

La loi de finances pour 2024 a apporté un peu de pérennité aux délibérations, en les rendant tacitement pluriannuelles, tant que :

  • Elles ne sont pas rapportées ou modifiées par les organes délibérants,
  • Que le conseil communautaire ou le conseil municipal d’une commune membre ne demande pas par délibération à ce qu’elles soient modifiées, dans un délai de deux mois à compter de la notification du FPIC,
  • Que le périmètre de l’intercommunalité ne varie pas au 1er janvier (extension ou réduction).

Chacun de ces trois cas de figure rendra caduque la délibération de répartition du FPIC, et nécessitera de prendre une nouvelle délibération de répartition.

Pour ce faire, l’article L.2336-3 du code général des collectivités territoriales, introduit au II bis, une règle de calcul des répartitions futures, en l’absence de nouvelles délibérations : les montants futurs de reversement ou de prélèvement seront ventilés entre communes et EPCI au prorata des parts respectives de chacun.

Ce faisant, le système est imparfait. Il a le mérite d’introduire une règle permettant de s’adapter à toutes les situations ; mais les critères de répartition initialement choisis n’évolueront plus. Ainsi, la répartition entre EPCI et communes membres n’évoluera pas en fonction du CIF (cas générique), tant qu’une nouvelle délibération de répartition dérogatoire n’aura pas été prise, ou qu’un retour à la répartition de droit commun n’aura été engagé.

Dans un souci d’équité entre les intercommunalités à fiscalité professionnelle unique, qui reçoivent la dotation de compensation de leurs communes et subissent chaque année une minoration au titre des variables d’ajustement (en diminution pour financer la croissance de la DGF), et les intercommunalités à fiscalité additionnelle, beaucoup plus épargnées puisque les dotations de compensation communales sont restées au niveau communal, et ne sont pas impactées par les baisses annuelles, l’article 204 de la loi de finances pour 2024 intègre l’obligation du transfert, pour tous les EPCI à fiscalité additionnelle, des dotations de compensation communales vers l’intercommunalité, à charge pour ces dernières de reverser à ses communes membres « une attribution », à l’image du régime de la fiscalité professionnelle unique (FPU).

Ainsi, en 2024, les DGF des toutes les communes membres d’EPCI en fiscalité additionnelle vont diminuer (perte de la dotation de compensation) et leurs EPCI respectifs devront leur reverser une attribution équivalente. Ceci sera donc budgétairement neutre pour les communes.

Mais, les EPCI à fiscalité additionnelle, subiront ainsi la diminution des dotations de compensation alors qu’ils doivent reverser à leurs communes membres un montant figé.

Article L.5211-32 CGCT:

A compter de 2024, les établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre ne faisant pas application de l’article 1609 nonies C du code général des impôts reversent une attribution à leurs communes membres.

Cette attribution est déterminée à partir des montants perçus en 2014, en application du I du D de l’article 44 de la loi de finances pour 1999 (no 98-1266 du 30 décembre 1998), indexés jusqu’en 2023 dans les conditions prévues à l’avant-dernier alinéa du III de l’article L. 2334-7 du présent code et constatés à l’issue de la répartition de la dotation forfaitaire de chaque commune au titre de l’année 2023. Le taux d’indexation annuel de chaque commune est plafonné à 1.

Ces attributions sont constatées chaque année par arrêté du ministre chargé des collectivités territoriales. Elles constituent des dépenses obligatoires des établissements publics de coopération intercommunale.

Un décret en Conseil d’Etat précise les modalités d’application du présent article.”

[Cette disposition n’est plus d’actualité, ce projet de remplacement du critère Voirie ayant été supprimé et ne figurant pas dans la loi de finances pour 2023.]

La Dotation Globale de Fonctionnement (DGF) des communes est composée de plusieurs dotations, dont la Dotation de Solidarité Rurale (DSR) au sein de laquelle le critère de la longueur de Voirie est utilisé pour le calcul de l’attribution (DSR péréquation et DSR cible). Ce critère de longueur de voirie est bien connu des élus comme intervenant dans le calcul de la DGF.

Le projet de loi de finances pour 2023 supprime le critère de la longueur de voirie communale, pour le remplacer par un critère de densité. Il s’agit d’une demande faite par le Comité des Finances Locales en juin 2022, dans la mesure où, pour les communes en métropole et communautés urbaines, le transfert de voirie à l’intercommunalité occasionne des pertes de dotations. En effet, si pour les communautés de communes et les communautés d’agglomération, le transfert de la compétence Voirie fait l’objet d’une mise à disposition (la voirie reste dans le patrimoine communal), ce n’est pas le cas pour les métropoles et communautés urbaines, pour lesquelles il y a véritablement transfert de patrimoine, d’où modification des longueurs de voiries communales et perte de dotations pour ces communes.

La proposition du Gouvernement est de remplacer ce critère longueur de voirie par un critère de densité et de superficie, calculé comme suit :

Superficie de la commune x Coefficient de densité x Coefficient de population

avec :

Coefficient de densité = écart de densité démographique par rapport à la moyenne des commune de la strate démographique

  = 1+ ((Population communale DGF / superficie communale) / (densité démographique moyenne de la strate), dans la limite d’un coefficient de 2

Coefficient de population = coefficient d’autant plus important que la population est importante

= 4/3 x logarithme de (population communale DGF 500), avec un minimum de 1 pour les commune de moins de 500 habitants

Ainsi, ce nouveau critère conduit à favoriser les communes dont la population rapportée à la superficie est plus importante que la moyenne des communes de même strate démographique, et dont la population est importante (car l’application du logarithme conduit à majorer plus fortement les communes les plus peuplées).

Or le critère de la longueur de voirie est un critère plutôt favorable aux communes rurales, faiblement peuplées mais étendues, et le nouveau critère de densité serait lui plus favorable à des zones plus denses donc à priori moins rurales.

A partir de la répartition de la DGF de 2022, nous avons simulé l’impact du changement de critères. Notons que le projet de loi de finances pour 2023 prévoit une augmentation de 200 millions € de la Dotation de solidarité rurale, dont 60% serait fléchée vers la seconde fraction, celle impactée par la suppression du critère voirie : dans les faits en 2023, l’augmentation de l’enveloppe compensera pour partie les impacts négatifs du changement de critère, mais un peu moins de la moitié des communes perdraient encore de la dotation.

Le tableau ci-dessus présente l’impact du passage d’un critère longueur de voirie à un critère de densité démographique, hors augmentation des enveloppes afin d’observer l’influence de ce seul changement. Avec le nouveau critère de densité, les moins de moins de 1 000 habitants seraient en moyenne perdantes : une diminution de dotation de 208€ en moyenne par commune pour les communes de moins de 500 habitant, et une diminution de dotation de 954€ en moyenne pour celles comprises entre 500 et 999 habitants. Leur dotation resterait tout de même supérieur en euros par habitant aux autres communes : les communes de moins de 500 habitants reçoivent avec le critère Voirie 21€/habitant, lorsqu’elles recevraient 20,1€/habitant avec le critère densité.

Au niveau national, compte tenu du nombre important de communes de moins de 1 000 habitants, il y aurait plus de communes perdantes à l’introduction du critère densité en lieu et place du critère voirie, que de communes gagnantes.

L’examen par EPCI d’appartenance des communes permet de montrer que les communes membres de communautés d’agglomération et de communautés urbaines seraient en moyenne perdantes au changement de critère, ce qui est étonnant vu les objectifs de la réforme (les 4 communes isolées, c’est à dire sans EPCI d’appartenance, étant des communes insulaires).

Notons toutefois que les variations portent sur de faibles montants en moyenne.

C’est ainsi que prises individuellement, certaines communes ont des pertes bien plus importantes : plusieurs communes de moins de 500 habitants en zone de montagne, perdraient dans nos projections près de 15 000€ de dotations du fait du changement de critère.

Autres exemple parmi les plus importants, la commune d’Ussel, en Corrèze, proche des 10 000 habitants, perdrait 42 000€ du fait du changement de critère, avant majoration de l’enveloppe (et perdrait 34 000€ avec la majoration de l’enveloppe).

En période de forte inflation et de tensions budgétaires, c’est un mauvais signal pour le monde rural.

La modification des modalités de calcul des critères de péréquation, potentiels fiscaux, financiers, efforts fiscaux, entrera bien en vigueur au 1er janvier 2022.

Si la rédaction issue de la LF 2021 permet d’intégrer le nouveau panier fiscal des communes et EPCI, un point nous interpelle pour le mode de calcul des potentiels fiscaux et financiers des communes, et n’est pas modifié par la rédaction de la loi de finances pour 2021.

En effet, pour la prise en compte de la taxe foncière sur les propriétés bâties dans le potentiel fiscal et financier, l’article L.2334-4 du code général des collectivités territoriales issue de la loi de finances pour 2021 (donc celui qui entrera en application au 01/01/2022), précise au point I que sont pris en compte les deux produits suivants :

Premier produit FB

« 1° bis Le produit déterminé par l’application aux bases communales d’imposition de taxe foncière sur les propriétés bâties de la somme des taux de taxe foncière sur les propriétés bâties communal et départemental appliqués sur le territoire de la commune en 2020 multipliée par le coefficient correcteur mentionné au B du IV de l’article 16 de la loi n° 2019-1479 du 28 décembre 2019 de finances pour 2020 ; ».

Ainsi, le produit de foncier bâti pour le potentiel fiscal est valorisé à hauteur de la somme taux communal et taux départemental reçu en compensation de la suppression de la taxe d’habitation, pondéré par le coefficient correcteur qui vise à ce que le « nouveau » produit de foncier bâti ne soit pas inférieur au produit de taxe d’habitation sur les résidences principales supprimé pour la commune.

Le produit de foncier bâti et d’ex – produit de taxe d’habitation est donc valorisé directement dans le potentiel fiscal, au taux communal, alors que précédemment, taxe d’habitation et taxe sur le foncier bâti étaient valorisés aux taux moyen national.

Second produit FB

1° ter Le produit déterminé par l’application aux bases communales d’imposition de taxe foncière sur les propriétés bâties de la différence entre le taux moyen national communal[1] d’imposition de cette taxe et la somme des taux de taxe foncière sur les propriétés bâties communal et départemental appliqués sur le territoire de la commune en 2020 ; »

Deuxièmement, le premier produit est « corrigé » de la différence entre le taux moyen national de foncier bâti et le « nouveau » taux communal de foncier bâti (avec l’ex-taux départemental). Cette procédure vise à pallier le fait que dans le premier terme, c’est le taux communal qui est pris en compte.

Mais le second produit mesure l’écart entre le taux moyen national de foncier bâti (communal et ex départemental) et le taux « facial » communal (avec l’ex -taux départemental). Or, la commune perçoit un produit et un niveau de richesse pondéré par le coefficient correcteur.

La logique du calcul proposé est claire : le second produit vise à ajouter au premier, l’écart entre le taux moyen national et le « nouveau » taux communal 2020. Toutefois, en n’appliquant pas le coefficient correcteur (ni communal ni moyen national), on introduit un biais et une différence par rapport aux potentiels fiscaux et financiers 2020. Car en moyenne au niveau national, le coefficient correcteur n’est pas égal à 1 : le produit de foncier bâti départemental n’a pas représenté strictement le produit de taxe d’habitation communal supprimé.

Le mode de calcul du potentiel fiscal « foncier bâti » est au terme de ces deux :

Premier produit : Bases brutes communales de Foncier bâti N-1 x (Taux communal Foncier bâti 2020 + Taux départemental de Foncier bâti 2020) x coefficient correcteur

+ Second produit : Bases brutes communales de Foncier bâti N-1 x (Taux moyen national Foncier bâti N-1 – Taux communal Foncier bâti 2020 + Taux départemental de Foncier bâti 2020)

Soit, écrit autrement :

Bases brutes communales FB N-1 x [ Taux moyen national Foncier Bâti N-1 + (Taux communal Foncier bâti 2020 + Taux départemental Foncier bâti 2020) x (coefficient correcteur – 1) ]

Le taux moyen national de Foncier bâti est corrigé du supplément ou de la minoration au titre du coefficient correcteur appliqué au taux communal. En moyenne, on a donc le taux moyen national. Mais il eut fallu corriger aussi le taux moyen national du niveau du coefficient correcteur moyen national.

Nos simulations témoignent que les écarts à la moyenne des potentiels fiscaux et financiers de l’ensemble des communes sont impactés avec des variations souvent sensibles. Pour les EPCI, les variations des écarts à la moyenne des potentiels fiscaux sont bien plus modestes.

Notons toutefois, qu’un mécanisme de correction est prévu, afin de lisser dans le temps les effets de cette suppression : les potentiels financiers et fiscaux 2022 seront corrigés d’une fraction permettant de neutraliser les effets de la suppression de la taxe d’habitation (et de la réduction de moitié des valeurs locatives des locaux industriels). Cette fraction sera intégrée en totalité dans les potentiels fiscaux et financiers pour 2022, puis en réduction les années suivantes : 90% en 2023, 80% en 2024, puis -20% par an, jusqu’à une absence de fraction de correction à partir de 2028.

Le mode de calcul précis de ces fractions de corrections, qui doivent neutraliser pour 2022, les écarts, doit être précisé par un décret. Nous ne savons pas pour l’heure comment ils seront calculés.

Espérons qu’au cours de l’année 2022, et malgré l’élection présidentielle, des ajustements puissent être apportés. L’année 2022 permettra au moins de voir précisément l’ampleur de ces fractions de corrections.


[1] L’article 47 de la loi de finances pour 2022 est venue supprimer cette mention, ce qui implique que les taux additionnels de foncier bâti seront à prendre en compte dans le calcul.

L’article 58 du projet de loi de finances pour 2021 acte et organise, la neutralisation des effets de la suppression de la taxe d’habitation et de la réduction de moitié des valeurs locatives des établissements industriels sur les critères de répartition des dotations de péréquation (potentiel fiscal, potentiel financier, effort fiscal, potentiel fiscal agrégé, effort fiscal agrégé).

Si l’on devait en une seule phrase résumer ces dispositions, nous pourrions citer celle-ci de l’article 58 PLF 2021  : « Les indicateurs financiers [potentiels fiscaux, financiers, effort fiscal, potentiel financier agrégé, effort fiscal agrégé] de chaque commune ou ensemble intercommunal sont, chacun, majoré ou minoré d’une fraction de correction visant à égaliser les variations de ces indicateurs liés : … ».

Les conditions précises de calcul seront déterminées par décret en tenant compte de la différence de produits pris en compte pour le calcul des critères en 2021 et 2022 (recettes 2020 et 2021). Schématiquement, il s’agira de recalculer les critères 2021 sur la base des dispositions de 2022, de constater un écart, et d’intégrer cet écart dans le calcul des critères 2022 pour neutraliser l’impact de la suppression de la TH et de la réduction de moitié des bases des établissements industriels.

A noter que la loi prévoit d’ores et déjà, la suppression progressive de ces ajustements : « En 2023, les indicateurs financiers […] seront chacun majorés ou minorés du produit des fractions de correction […] calculées en 2022 par un coefficient de 90%. En 2024, ce coefficient est égal à 80%, puis il diminue de 20 points par an au cours des quatre exercices suivants. ».

Bref, il ne s’agit pas de la refonte attendue des indicateurs, simplement d’un lissage dans le temps des effets. Une réforme a minima en l’état, et qui laisse entièrement ouverte la question des impacts de la suppression TH et de la réduction de moitié des bases des établissements industriels, sur les critères de répartition des collectivités et donc leurs dotations.

Ces modifications sur les indicateurs financiers n’entreront en vigueur qu’en 2022, ce qui laisse encore l’année 2021 pour procéder à des ajustements ou discussions avec l’Etat.

Principal indicateur de la richesse fiscale des collectivités territoriales, le potentiel financier est au centre de la péréquation nationale, qu’elle soit horizontale (entre collectivités) ou verticale (de l’Etat aux collectivités).

Quelle interprétation, quelle pertinence suite à la suppression de la taxe professionnelle ? Quels effets liés aux fusions d’EPCI ?

Une vidéo de Pierre-Olivier HOFER, directeur associé EXFILO

  1. Une enveloppe unique, quelle que soit la catégorie de l’EPCI (communauté de communes, d’agglomération, urbaine, métropole). La mise en place d’une dotation unique bénéficie clairement aux communautés de communes qui avaient jusque-là des dotations à l’habitant inférieures : les CC à fiscalité additionnelle passeraient d’une dotation moyenne de 8€/hab en 2018 à 10,4€/hab en 2019 et 14,3€/hab en 2023 ; les CC à FPU passeraient d’une dotation moyenne de 14€/hab en 2018 à 15,3€/hab en 2019, et 19,2€/hab en 2023
  2. Un complément de 5€ par habitant contre-péréquateur. le complément est attribué à tous les EPCI qui n’ont pas eu en 2018 une dotation par habitant atteignant ce niveau. Or qui s’est trouvé dans ce cas de figure ? 2/3 des EPCI dont la dotation d’intercommunalité n’a pas atteint ce niveau sont des intercommunalités dont le potentiel fiscal est supérieur à la moyenne. Une bonne partie est aussi constitué de communauté de communes à fiscalité additionnelle (à faible dotation donc) et à fort prélèvement au titre de la contribution au redressement des finances publiques. Or le législateur avait toujours privilégié jusque-là les catégories les plus fiscalement intégrées, celles en fiscalité professionnelle unique.
  3. Une mutualisation de la contribution au redressement des finances publiques. La contribution au redressement des finances publiques (CRFP), qui se traduisait par un prélèvement su la dotation d’intercommunalité en fonction des recettes de fonctionnement, est intégrée dans l’enveloppe nationale et vient donc la diminuer. Au niveau national, la CRFP représentait 55% de la dotation d’intercommunalité : prélever la CRFP sur l’enveloppe nationale revient à affecter à tous les EPCI cette quote-part de 55%. Les EPCI dont la CRFP représentait plus de 55% de leur dotation d’intercommunalité sont avantagés : or il s’agit souvent d’intercommunalités à fortes ressources (richesse fiscale notamment) ou à faible dotations (et faible intégration fiscale comme les communautés de communes à fiscalité additionnelle)
  4. Une “course” au CIF pour les communautés d’agglomérations, communautés urbaines et métropoles. Les CA-CU-MET bénéficient d’une garantie de stabilité de leur dotation d’intercommunalité si leur CIF est au moins égal à 35%. En 2019, c’est 60% des CA, 10 CU sur 11 et 21 métropole sur 22, qui ont un CIF supérieur à 35%. Inévitablement, les communautés qui n’atteignent pas encore ce CIF de 0,35 vont prendre des mesures (prises de compétences, pacte financier, réduction d’AC ou DSC) pour atteindre ce seuil. Or comment les dotations des communautés de communes pourront-elles progresser, sans abondements extérieurs, si les dotations des CA-CU-MET sont figées ?
  5. Une progression des dotations limitée à +10%/an. Pour une dotation d’intercommunalité atteignant 500k€, comme souvent pour les communautés de communes, cela représente une augmentation annuelle de 50k€/an (plus les années suivantes), un enjeu intéressant mais très étalé dans le temps
  6. Une réduction de l’importance du CIF pour les communautés de communes. Leur dotation va dans la très grande majorité, progresser “naturellement” du fait de la réforme, par conséquent le CIF perdra de son importance : une fois que l’on a une dotation qui progresse mais est plafonnée à +10%/an, quel intérêt de faire croître son CIF puisque cela n’aura pas d’effet visible à court-moyen terme sur la dotation d’intercommunalité ?
  7. La prise en compte des redevances assainissement (2020) et eau (2026) dans le CIF des CC.