Intercommunalité et Réforme des collectivités territoriales

 

Le code général des collectivités territoriales confie aux communes la gestion de la collecte et du traitement des ordures ménagères (article L.2224-13 du CGCT), avec la possibilité de transférer tout ou partie de cette compétence à un établissement public de coopération intercommunale (EPCI) ou un syndicat mixte.

Pour financer ce service, les communes et leurs groupements ont le choix entre plusieurs modes de financement :

  • la taxe d’enlèvement des ordures ménagères (TEOM)
  • la redevance d’enlèvement des ordures ménagères (REOM)
  • le recours au budget principal.

 

La Taxe d’enlèvement des ordures ménagères :

Selon un rapport du 29 janvier 2014 du Sénat sur le bilan et les perspectives d’évolution des modes de financement du service des ordures ménagères, en 2012, la TEOM représentait le mode de financement le plus courant puisque 68% des collectivités ou de leurs groupements finançaient la gestion des déchets par la TEOM.

La TEOM est une taxe additionnelle à la taxe foncière sur les propriétés bâties régie par le code général des impôts. Cette taxe est établie à partir de la valeur locative cadastrale des biens concernés, qui ne font pas l’objet d’une exonération, sous déduction de 50% de son montant en considération des frais de gestion, d’assurances, d’amortissement, d’entretien et de réparation. Les collectivités ou leurs groupements ayant institué la TEOM votent son taux chaque année.

Il est prévu à l’article 1552 bis du code général des impôts la possibilité d’instaurer, en plus de la part fixe, une part incitative à la TEOM. Elle est déterminée « en multipliant la quantité de déchets produits pour chaque local imposable l’année précédant celle de l’imposition par un ou des tarifs par unité de quantité de déchets de produits. » Autrement dit, il est nécessaire que la collectivité ait déterminé la quantité de déchets produits par local au cours d’une année entière pour établir la part incitative.

Par ailleurs, tous les usagers ne sont pas soumis à la TEOM. En effet, afin d’éviter que les ménages aient à payer pour l’élimination des déchets des professionnels, ces derniers (artisans et commerçants) sont soumis au paiement d’une redevance spéciale (sauf cas d’une REOM).

 

La redevance d’enlèvement des ordures ménagères :

La REOM consitue le second mode de financement choisi par les collectivités et leurs groupements puisque 1/3 des communes ou EPCI y ont recouru en 2012 (Rapport sur « le bilan et les perspectives d’évolution de la REOM et de la TEOM » du 29 janvier 2014 du Sénat). La mise en place de la REOM est incompatible avec tout autre mode de financement. Elle suppose l’instauration d’un tarif par la collectivité.

Différentes tarifications sont possibles mais le tarif de la redevance doit être fixé dans le respect du principe de proportionnalité :

  • La REOM doit comporter une part proportionnelle au service rendu (par exemple en fonction du nombre de personnes vivant au foyer, du nombre ou du volume des sacs distribués, du poids des déchets embarqués s’ils sont pesés (CE 24 mai 2006, req. no 283070, Commune de Larnage).
  • Il est possible d’appliquer un tarif incitatif afin de réduire les déchets et donc diminuer le coût du service. Le montant varie alors en fonction de l’utilisation réelle du service par les usagers.
  • La REOM peut comporter une part fixe « qui n’excède pas les coûts non proportionnels » (par exemple, frais de gestion, mise à disposition des bacs, amortissement du véhicule de collecte, frais de personnel).

 

Quelles différences entre Taxe et Redevance d’enlèvement des ordures ménagères?

A l’inverse de la TEOM, le recouvrement de la REOM n’est pas à la charge du Trésor public. La collectivité ayant institué la REOM doit alors supporter les contraintes de gestion liées à la perception de la REOM : création d’un fichier des redevables, envoie des factures, recouvrement de la redevance et impayés à supporter.

Dans le cas d’une TEOM, la collectivité paie des frais de gestion équivalant à 8% du montant total de la taxe perçue par la Trésorerie au titre des frais de recouvrement et de contentieux. Selon un rapport du ministère de l’écologie et du développement durable « Causes et effets du passage de la TEOM à la REOM » de 2005, il serait toutefois plus avantageux dans la plupart des cas d’avoir à couvrir les frais d’impayés de la REOM que de payer les frais de gestion de la TEOM. Les coûts de gestion seraient moins importants pour les collectivités ayant opté pour la REOM.

Par ailleurs, la REOM confère au service un caractère industriel et commercial qui impose l’établissement d’un budget annexe équilibré en recettes et en dépenses. Conformément aux règles applicables à un service public à caractère industriel et commercial (SPIC), la REOM doit couvrir intégralement le coût de ce service et toute contribution du budget général est en principe exclue (article L.2224-1 du CGCT). En revanche, le produit de la TEOM n’a pas être obligatoirement la stricte contrepartie des dépenses liées à la collecte et au traitement des ordures ménagères. Lorsque le produit de TEOM perçu par la collectivité compétente est plus important que les charges réelles liées au service des ordures ménagères, il peut faire l’objet d’un reversement au budget principal de la collectivité.

 

Le choix d’un mode de financement par le budget principal :

En 2012, seules 3% des communes ou EPCI finançaient la compétence ordures ménagères via leur budget principal (Rapport sur « le bilan et les perspectives d’évolution de la REOM et de la TEOM » du 29 janvier 2014 du Sénat).

La commune ou l’EPCI ne peut faire appel au budget principal que dans certaines situations :

  • Il n’y a pas de volonté de créer un financement spécifique au service de collecte et de traitement des ordures ménagères ; ce dernier est donc financé comme les autres services communaux ou intercommunaux par le budget principal.
  • Le produit de la REOM ne suffit pas à couvrir les dépenses liées au service. Il est possible alors dans certaines conditions prévues à l’article L2224-2 du CGCT de financer en partie le service via le budget principal.
  • Lorsqu’une TEOM est mise en place, il est toujours possible de faire appel au budget principal. En effet, si la TEOM ne couvre qu’une partie du coût de la collecte, la taxe peut se cumuler avec le recours au financement par le budget principal.

A la différence de la TEOM et de la REOM, ce mode de financement n’a aucun effet incitatif.

En amont des débats sur le projet de loi Notre à l’Assemblée Nationale qui débuteront le 17 février 2015, la commission des lois a d’ores a déjà revu le contenu du texte remis par le Sénat. En effet, les sénateurs avaient profondément modifié le projet de loi initial.

Voici les principales mesures adoptées par la commission des lois :

  • Le texte adopté par la commission des lois rétablie le seuil de 20 000 habitants pour la création des EPCI (supprimé par le Sénat) mais en ouvrant de possibles dérogations en fonction des territoires au niveau géographique et démographique.
  • Dans le même sens, la commission des lois a rétabli le calendrier d’élaboration et de mise en oeuvre des schémas départementaux de coopération intercommunale (SDCI). Ils devront être définis au 31 décembre 2015 pour une mise en oeuvre au 31 décembre 2016 au plus tard.
  • La commission des lois a également adopté un amendement proposant une élection au suffrage universel direct des conseils communautaires pour tous les types d’intercommunalité : « les métropoles, les communautés urbaines, les communautés d’agglomération et les communautés de communes sont administrées par un organe délibérant élu au suffrage universel direct, suivant des modalités particulières fixées par la loi avant le 1er janvier 2017  » (article 22 octies du projet de loi).
  • En outre, il a été modifié les conditions de minorité de blocage pour s’opposer au transfert du PLUI (majorité au quart remplacée par majorité qualifiée) et les conditions de majorité pour l’intérêt communautaire (majorité simple et non plus qualifiée).
  • Enfin, concernant la compétence GEMAPI, les sénateurs avaient décalé la prise de compétence obligatoire par le bloc local en 2018 mais la commission des lois a rétabli l’échéance prévue à l’origine c’est à dire au 1er janvier 2016.

Il convient, à ce jour, de suivre les débats qui seront menés à l’Assemblée Nationale pour connaitre l’avenir du texte adopté par la commission les lois.

Dans la perspective de la réforme de la Dotation Globale de Fonctionnement (DGF) en 2016, un rapport sur l’évaluation des mutualisations au sein du bloc communal rédigé par l’inspecteur général des finances et l’inspecteur général de l’administration, préconise de remplacer le coefficient de mutualisation instauré par la loi MAPTAM par l’introduction d’un coefficient d’intégration et de mutualisation (CIM) dans la répartition de la dotation d’intercommunalité.

Selon les rapporteurs, ce coefficient pourrait s’appliquait à la DGF actuelle « mais également à une future dotation globale de fonctionnement territoriale, actuellement à l’étude« . Cela signifierait que les Etablissements Publics de Coopération Intercommunale (EPCI) percevraient une dotation d’intercommunalité plus ou moins importante selon leur effort de mutualisation, d’autant plus que l’enveloppe de la dotation d’intercommunalité tend à décroître dans les années à venir. Ainsi, les intercommunalités qui ne joueraient pas le jeu de la mutualisation serait pénalisées sur le montant de leur DGF, en plus de la minoration déjà prévue au titre du redressement des finances publiques.

Le CIM correpondrait à la part des dépenses de l’EPCI dans les dépenses du bloc communal. Les dépenses retenues seraient celles de fonctionnement et d’investissement. Il est également proposé que « le CIM intègre les budgets principaux et les budgets annexes par soucis d’exhaustivité« .

Les rapporteurs proposent d’accompagner la mise en place du CIM d’un élargissement des possibilités de mutualisations au niveau intercommunal. Par exemple, « la réalisation de mutualisations entre deux acteurs ou plus appartenant à un même bloc intercommunal regroupant un EPCI, ses communes et les établissements dont ils sont membres, sous forme de service commun, de mise en commun des moyens et création ou gestion d’équipements ou de services ».

 

 

La procédure de retrait d’un syndicat mixte est définie par l’article L.5211-19 du code général des collectivités territoriales (CGCT), par renvoi de l’article L.5711-1 du CGCT.

Le retrait d’un membre d’un syndicat mixte suppose l’accord du comité syndical ainsi que celui de chaque organe délibérant des membres du syndicat, exprimés à la majorité qualifiée requise pour la création de l’établissement, dans un délai de trois mois à compter de la notification de la délibération de l’organe délibérant du syndicat.

Les conditions de majorité qualifiée requise pour la création des établissements publics de coopération intercommunale sont prévues à l’article L.5211-5 du CGCT:

L’accord des organes délibérants des membres du syndicat doit donc être exprimé :

–          Par les 2/3 des organes délibérants représentant plus de la moitié de la population totale du syndicat,

–          Ou par la moitié au moins des organes délibérants représentant plus des 2/3 de la population.

Pour la création des syndicats, le législateur précise toutefois, que cette majorité doit nécessairement comprendre les organes délibérants des membres « dont la population est supérieure au quart de la population totale concernée ». En vertu de la règle du parallélisme des formes, cette disposition s’applique également dans le cas de retrait d’un syndicat.

Par conséquent, à défaut du consentement des membres représentant plus du quart de la population du syndicat, la procédure de retrait du syndicat ne pourra aboutir. Autrement dit, les membres dont la population est supérieure au quart de la population totale du syndicat,  disposent d’un véritable droit de véto sur le retrait des membres du syndicat.

Le premier volet de la réforme territoriale : l’application de la loi « MAPTAM »
Le premier volet de la réforme territoriale a été ouvert le 27 janvier 2014 avec la loi dite de  modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles (MAPTAM). A partir du 1erjanvier 2015, la « loi MAPTAM » permet la mise en œuvre du nouveau statut des métropoles. Concrètement, le Grand Lyon fusionnera avec le département et dix autres métropoles seront créées telles que Bordeaux, Brest, Grenoble, Lille, Montpellier, Nantes, Rennes, Rouen, Strasbourg et Toulouse.La loi MAPTAM a en effet ouvert la possibilité aux agglomérations de plus de 400 000 habitants dans une aire urbaine de plus de 650 000 habitants d’exercer de plein droit leurs compétences suivantes :

  • En matière de développement  et d’aménagement économique, social et culturel (création de ZAC, Tourisme…),
  • En matière d’aménagement de l’espace métropolitain (SCOT, PLU, transport, voirie…)
  • En matière de politique locale de l’habitat (PLH, logement social, aire d’accueil des gens du voyage…)
  • En matière de politique de la ville (contrat de ville, développement urbain…)
  • En matière de gestion des services d’intérêt collectif (assainissement, eau, cimetières, abattoirs, service incendie et secours…)
  • En matière de protection et de mise en valeur de l’environnement et de politique du cadre de vie (gestion des déchets, lutte contre la pollution l’air et nuisances sonores, plan climat-énergie territorial, concession distribution publique gaz et électricité, GEMAPI…)

 

Les métropoles du Grand Paris et d’Aix-Marseille-Provence seront créées au 1er janvier 2016.

Par ailleurs, la loi MAPTAM a créé un nouveau bloc de compétences comprenant les missions relatives à la gestion des milieux aquatiques et de prévention des inondations (GEMAPI) définies au code de l’environnement. Cette compétence devient obligatoire pour tous les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) au 1er janvier 2016. Il est également prévu un dispositif transitoire préservant l’action des structures existantes jusqu’au transfert de la compétence aux EPCI au plus tard jusqu’au 1er janvier 2018.

 

Le deuxième volet de la réforme territoriale : la nouvelle carte des régions
Ce second volet de la réforme territoriale se concentre essentiellement sur la rationalisation du nombre de régions. Ainsi, la nouvelle carte des régions adoptée par l’assemblée nationale le 25 novembre dernier sera effective au 1er janvier 2016. Le nombre de régions passera alors de 22 à 13 avec des compétences stratégiques accrues.

Par conséquent, le calendrier électoral a été modifié : les élections régionales auront lieu en fin d’année 2015. Rappelons, en outre, que l’année 2015 sera également rythmée par les élections départementales avec renouvellement intégral des conseils généraux,  les 22 et 29 mars 2015. Les conseils généraux deviendront alors des conseils départementaux et les conseillers généraux, des conseillers départementaux.

 

Le troisième volet de la réforme territoriale : le projet de loi « NOTRe »
Ce troisième volet de la réforme territoriale vient entériner la clause générale de compétences en confiant aux collectivités territoriales des compétences spécifiques à chaque échelon.

Les régions deviendraient ainsi collectivités chef de file en matière de logement et d’habitat, de politique de la ville et de la rénovation urbaine, d’aide aux entreprises, de transports, de gestion de la voirie départementale, de gestion des collèges et de tourisme.

Une nouvelle rationalisation de la carte intercommunale serait alors amorcée, s’accompagnant de nouveaux transferts de compétences obligatoires des communes vers l’intercommunalité (tourisme et aire d’accueil des gens du voyage) avec un rehaussage du seuil intercommunal de 5 000 à 20 000 habitants au 1er janvier 2017.

De plus, l’éligibilité à la DGF bonifiée pour les communautés de communes à fiscalité professionnelle unique serait conditionnée à l’exercice de 6 compétences parmi la liste des 11 prévues dans le projet de loi (contre 4 compétences parmi une liste de 8 actuellement).

 

Le futur volet législatif de la réforme territoriale : le devenir des départements
La réforme des conseils généraux est attendue pour janvier 2020. Trois solutions seront possibles pour s’adapter aux situations existantes selon le gouvernement :

– Dans les départements dotés d’une métropole : la fusion des deux structures (département et métropole) pourra être retenue.

– Lorsque le département compte des intercommunalités fortes : les compétences départementales pourront être assumées par une fédération d’intercommunalités.

– Enfin, dans les départements ruraux où les communautés de communes n’atteignent par la masse critiques : le conseil départemental sera maintenu, avec des compétences clarifiées.

Après une première carte de 14 régions, contre actuellement 22, présentée par le Gouvernement en juin, puis une autre de 13 régions adoptée par l’Assemblée nationale en juillet, c’est dans la nuit du 19 au 20 novembre que les députés ont adopté en seconde lecture la carte à 13 régions, comme ils l’avaient fait en première lecture au mois de juillet.

Entre temps, rappelons que le Sénat avait voté une carte à 15 régions fin octobre, rétablissant l’autonomie de l’Alsace, Languedoc-Roussillon et Midi-Pyrénées.

Les députés doivent encore se prononcer sur le calendrier électoral, seconde partie du projet de loi qui fera l’objet d’un vote le 25 novembre prochain.

L’article 55 de la loi MAPTAM a introduit le coefficient de mutualisation. Ce coefficient sera réparti au sein d’une dotation de mutualisation. Cette nouvelle composante, dont le poids au sein de la dotation d’intercommunalité fut un temps fixé à 10%, sera financé par une réduction des autres composantes de la dotation d’intercommunalité.

L’application de ce coefficient est soumis à la publication d’un décret en conseil d’état, et à la publication d’un rapport « évaluant les conséquences financières de la prise en compte du coefficient de mutualisation des services comme critère de répartition de la dotation globale de fonctionnement perçue par les communes et par les établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre« .

Ce rapport n’est pour l’heure pas paru. Et pour cause, le coefficient de mutualisation s’avère impossible à mettre en oeuvre.

[citation alignement= »left »]Le coefficient de mutualisation est en passe d’être abandonné[/citation] Pour mémoire, le coefficient de mutualisation est égal au rapport entre la sommes des rémunérations des agents mutualisés (la loi précisant que ceux-ci doivent relever de services fonctionnels, ce qui limite la prise en compte aux services communs), par rapport à la somme des rémunérations des agents des services fonctionnels sur le territoire.

 

Plusieurs griefs à son encontre :

  • D’une part, une forte disparité existerait en intercommunalité en fonction du mode de gestion des services : les intercommunalités qui recourent plutôt aux prestations de services seraient pénalisées par rapport aux intercommunalités fonctionnant principalement en régie. En effet, à situation comparable et pour un même service mutualisé, l’EPCI qui recourt à des prestations externes aura mécaniquement un volume plus faible de rémunérations ;
  • D’autre part, le coefficient de mutualisation ne jouerait pas un rôle d’incitation mais récompenserait les EPCI qui ont déjà une pratique en la matière, au lieu d’inciter les EPCI à mettre en oeuvre de nouveaux services mutualisés ;
  • Enfin, ce coefficient est redondant avec le coefficient d’intégration fiscale. En effet, ce dernier tient compte des attributions de compensation. Or le législateur a prévu la possibilité d’imputer sur les attributions de compensation le coût des services mutualisés.

 

Face à ces difficultés, le coefficient de mutualisation pourrait ne jamais voir le jour, et ce d’autant plus que l’année 2015 doit être mise à profit pour  engager une réforme de la Dotation globale de fonctionnement (DGF), pour la loi de finances pour 2016.

La question nous est fréquemment posée de la restitution des charges transférées pour les compétences restituées, notamment dans le cas de communautés historiquement à fiscalité additionnelle et qui sont passées à fiscalité professionnelle unique (à l’occasion d’une fusion ou autre).

Quelles « charges transférées » vont être restituées aux communes pour leur permettre de financer les compétences restituées ?

Une Communauté de communes était en fiscalité additionnelle. Elle a pris des compétences, qui n’ont donc pas donné lieu à évaluations des transferts de charges. Lors du passage au régime de la taxe professionnelle unique, les compétences intercommunales n’ont pas non plus fait l’objet d’une évaluation.

Les charges de ces compétences sont donc intégralement financées par le budget général de la Communauté (et non par une retenue sur les attributions de compensation des communes membres).

La question qui est posée est la suivante : « Dans le cas de restitution de compétences, quelles charges doivent être restituées aux communes si les compétences restituées n’étaient pas évaluées dans les attributions de compensations ? »

 

Pour répondre à cette question, il convient de rappeler le cadre juridique du transfert de compétences et de la fiscalité professionnelle unique.

Le régime de la fiscalité professionnelle unique se caractérise par le transfert du bénéfice de l’imposition des contribuables professionnels (cotisation foncière des entreprises, cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, …) à l’échelon intercommunal, ainsi que le transfert de compétences (et donc de charges et de recettes). Afin de ne pas déséquilibrer les budgets communaux et de permettre à l’EPCI de financer les compétences transférées, un flux financier entre les communes membres et la Communauté a été instituée, sous la forme des attributions de compensations.

Le principe fondateur et inhérent au régime de la fiscalité professionnelle unique (ex-taxe professionnelle unique) est celui de la neutralité budgétaire du passage ou du transfert de compétences. Pour cela, l’EPCI verse aux communes le solde positif recettes transférées – dépenses transférées. Les communes peuvent ainsi maintenir leurs équilibres budgétaires. A l’inverse, si une commune transfère plus de dépenses que de recettes, elle versera une attribution de compensation à son EPCI.

 

Dans le cas qui nous intéresse, celui d’une fusion d’EPCI soumis au régime de la fiscalité professionnelle unique, il est précisé au code général des impôts :

Article 1609 nonies C, V-5° 4ème alinéa :

« Lorsque la fusion s’accompagne d’un transfert ou d’une restitution de compétences, cette attribution de compensation est respectivement diminuée ou majorée du montant net des charges transférées, calculées dans les conditions définies au IV. »

 

Il est précisé que les transferts de compétences (des communes vers l’EPCI) ou des restitutions de compétences (de l’EPCI vers les communes) doivent faire l’objet d’une évaluation des charges transférées par la Commission Locale d’Evaluation des Charges Transférées (CLECT), selon la procédure d’évaluation définie au IV. Le législateur fait la distinction entre transferts et restitutions de compétences, mais ne mentionne de correction des attributions de compensation qu’au titre des charges transférées. Cependant, il ne faut pas tenir compte de cette différence lexicale car il est clairement mentionné que les attributions de compensation sont diminuée (cas des transferts de compétences) ou majorées (cas des restitutions de compétences) du montant net des charges transférées.

 

Ainsi, suite à une restitution de compétences, il  convient donc que la CLECT évalue le montant net des charges transférées, que celles-ci viennent d’un transfert ou d’une restitution de compétences.

 

Les attributions de compensation des communes de la CC prise en exemple devront donc être majorées des charges nettes relatives aux compétences non reprises (« restituées ») par l’EPCI issu de la fusion ou par l’EPCI à FPU. Ces charges nettes doivent faire l’objet d’une évaluation par la CLECT, sur la base du ou des derniers comptes administratifs de l’EPCI.

La loi relative aux libertés et responsabilités locales du 13 août 2004 distingue les conditions d’exercice des compétences via un syndicat en fonction du type d’EPCI.

 

1. Pour une communauté de communes:

Les conditions d’exercice sont édictées à l’article L.5214-21 du code général des collectivités territoriales : «  La communauté de communes est substituée, pour les compétences qu’elle exerce ou vient à exercer, aux communes qui en sont membres lorsque celles-ci sont groupées avec des communes extérieures à la communauté dans un syndicat mixte. Ni les attributions du syndicat, ni le périmètre dans lequel il exerce ses compétences ne sont modifiés. »

En Communauté de Communes, c’est donc le mécanisme de la représentation-substitution qui s’applique. Le Guide de l’intercommunalité de 2006 indique que « lors des transferts de compétences opérés à l’occasion de la création de la communauté », […] « la communauté de communes est substituée de plein droit à ses communes membres au sein du syndicat, pour l’exercice des compétences dont elle est titulaire ».

« La substitution s’applique pour les compétences relevant à la fois de la communauté de communes et du syndicat. Une communauté de communes peut ainsi être substituée à ses communes dans plusieurs syndicats, soit pour des compétences différentes, soit pour des compétences identiques, le syndicat intervenant alors sur des parties différentes du territoire communautaire ».

La circulaire du 02/07/2011 relative à la loi Chevènement sur l’intercommunalité précise que « l’article L.5214-21 du CGCT prévoit que la communauté de communes se substitue, au sein du syndicat, aux communes pour les compétences qu’elle exerce, le syndicat devenant ainsi un syndicat mixte ».

Ainsi, pour l’exercice d’une compétence, une communauté de commune peut adhérer à un syndicat mixte à qui elle transfère les compétences qu’elle a en commun avec le syndicat. En cas de prise de compétence, la communauté de communes est substituée aux communes membres au sein du syndicat qui devient syndicat mixte. Ce mécanisme de représentation-substitution permet le maintien des fonctionnements et exercices des compétences sur le territoire des syndicats.

 

2. Pour une communauté d’agglomération :

Les règles d’exercice des compétences d’une communauté d’agglomération via un syndicat sont précisées à l’article L.5211-61 du CGCT.

Cet article prévoit qu’ « un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre peut transférer toute compétence à un syndicat de communes ou un syndicat mixte dont le périmètre inclut en totalité le périmètre communautaire après création du syndicat ou adhésion de l’établissement public. »

Ainsi, une communauté d’agglomération peut adhérer à un syndicat pour l’exercice de ses compétences à la condition que le périmètre du syndicat inclut en totalité celui de la communauté.

Pour toutes les autres situations (création, fusion, transformation en communauté d’agglomération, extension de compétences), le législateur distingue plusieurs cas de figure :

a.       En cas de création, fusion, transformation :

 –          L’exercice des compétences obligatoires et optionnelles :

Que le périmètre de la communauté soit totalement inclus dans le syndicat[1], ou que le périmètre de la communauté soit partiellement inclus dans le syndicat[2], la création, fusion ou transformation de en communauté d’agglomération vaut retrait du syndicat des communes membres de la communauté pour les compétences transférées, exercées obligatoirement et optionnellement par la communauté d’agglomération.

–          L’exercice des compétences facultatives :

Il s’agit des compétences en sus des compétences obligatoires et optionnelles exercées par la communauté d’agglomération. Lorsque les compétences ne relèvent pas des champs de compétences obligatoires ou optionnels[3], la communauté d’agglomération est substituée au sein du syndicat aux communes qui la composent. Est appliqué le mécanisme de “représentation-substitution” classique prévu pour les communautés de communes.

b.      En cas d’extension de compétences :

Lorsqu’une communauté d’agglomération se voit transférer de nouvelles compétences par ses communes membres et que tout ou partie de ses communes déléguaient antérieurement cette compétence à un syndicat, la communauté d’agglomération est substituée à ces communes au sein du syndicat dont elles étaient membres pour l’exercice des compétences nouvellement transférées[4]. Le transfert de nouvelles compétences entraîne le mécanisme de représentation-substitution de la communauté au sein des syndicats dont étaient membres les communes.

c.       Cas particulier de l’exercice de certaines compétences :

Dans le cadre de la mise en place du Grenelle de l’environnement, il a été mis en évidence le besoin d’élargir la possibilité pour une communauté d’agglomération d’adhérer à un syndicat, même lorsque son périmètre chevauche celui de la communauté. En effet, cette impossibilité était source de contraintes excessives, génératrices d’éventuelles insécurités juridiques selon la configuration du territoire en matière de gestion de l’eau, des déchets ménagers, de l’électricité et du gaz naturel notamment.

C’est pourquoi, une dérogation au principe général d’exercice en direct des compétences d’une communauté d’agglomération a été créée à l’alinéa 2 de l’article L.5211-61 du CGCT :

« Par dérogation à l’alinéa précédent, en matière de gestion de l’eau et des cours d’eau, d’alimentation en eau potable, d’assainissement collectif ou non collectif, de collecte ou de traitement des déchets ménagers et assimilés, ou de distribution d’électricité ou de gaz naturel, un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre peut transférer toute compétence à un syndicat de communes ou un syndicat mixte sur tout ou partie de son territoire ou à plusieurs syndicats situés chacun sur des parties distinctes de son territoire. »


[1] L’article L.5216-7 du CGCT prévoit que « Lorsqu’une partie des communes d’un syndicat de communes ou d’un syndicat mixte fait partie d’une communauté d’agglomération, […] et que cette communauté est incluse en totalité dans le syndicat, cette création, cette fusion ou cette transformation vaut retrait du syndicat des communes membres de la communauté pour les compétences [obligatoires et optionnelles exercées par les communautés d’agglomération] que le syndicat exerce. »

[2] L’article L.5216-7 du CGCT prévoit que « Lorsqu’une partie des communes d’un syndicat de communes ou d’un syndicat mixte est associée avec des communes extérieures à ce syndicat dans une communauté d’agglomération, […] cette création, cette fusion ou cette transformation vaut retrait du syndicat des communes membres de la communauté d’agglomération pour les compétences transférées [obligatoires et optionnelles]. »

[3] L’article L. 5216-7 du CGCT précise que « pour l’exercice des compétences transférées qui ne sont pas visées par les I et II de l’article L. 5216-5 [autrement dit, les compétences facultatives], la communauté d’agglomération est substituée au sein du syndicat aux communes qui la composent. »

[4] L’article L.5216-7 du CGCT prévoit que « Lorsque les compétences d’une communauté d’agglomération sont étendues, conformément à l’article L. 5211-17, à des compétences antérieurement déléguées par tout ou partie des communes qui la composent à un ou plusieurs syndicats de communes ou syndicats mixtes, la communauté d’agglomération est substituée à ces communes au sein du ou des syndicats dans les conditions visées au second alinéa du I. »

La loi de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles promulguée le 27 janvier 2014 instaure à l’article 59 une compétence « Gestion des milieux aquatiques et prévention des inondations (GEMAPI) » obligatoire pour les EPCI à fiscalité propre à partir du 1er janvier 2016. Une période transitoire a été instaurée jusqu’au 1er janvier 2018 pour le transfert de la compétence GEMAPI à un EPCI à fiscalité propre lorsque cette compétence est exercée par les conseils généraux, les conseils régionaux, leurs groupements ou d’autres personnes morales de droit public.

La compétence GEMAPI est définie par les 4 alinéas suivants de l’article L.211-7 du code de l’environnement :

  • (1°) Aménagement d’un bassin ou d’une fraction de bassin hydrographique ;
  • (2°) Entretien et aménagement d’un cours d’eau, canal, lac, ou plan d’eau, y compris les accès à ce cours d’eau, canal, lac, ou à ce plan d’eau ;
  • (5°) La défense contre les inondations et contre la mer ;
  • (8°) La protection et la restauration des sites, des écosystèmes aquatiques et des zones humides ainsi que des formations boisées riveraines.

1. Le transfert de cette compétence à un syndicat sera possible :
A la suite de la prise de la compétence GEMAPI au plus tard au 1e janvier 2018, les EPCI à fiscalité propre pourront transférer tout ou partie de cette compétence à un syndicat mixte compétent, un établissement public d’aménagement et de gestion de l’eau (EPAGE) ou à un établissement public territorial de bassin (EPTB) dont le périmètre inclut en totalité le périmètre communautaire, après création du syndicat ou adhésion de l’EPCI.

2. En cas de création, fusion, transformation de l’EPCI, le principe de la représentation-substitution au sein d’un syndicat s’appliquera quel que soit le type d’EPCI :

Pour les communautés de communes, le principe de représentation-substitution s’applique mécaniquement au 1er janvier 2016.

Pour les communautés d’agglomération et communautés urbaines, le législateur a prévu une dérogation au principe de retrait des communes membres d’un syndicat en cas de création, fusion, ou transformation de l’EPCI en communauté d’agglomération, ou en communauté urbaine, pour les compétences obligatoires et optionnelles exercées par la communauté.

En effet, l’article 59 de la loi MAPTAM a ajouté une dérogation aux I. de l’article L.5216-7 et de l’article L.5215-22 du CGCT : « la communauté d’agglomération [ou communauté urbaine] est substituée, pour la compétence en matière de gestion des milieux aquatiques et de prévention des inondations, mentionnée à l’article L. 211-7 du code de l’environnement, aux communes qui en sont membres lorsque celles-ci sont groupées avec des communes extérieures à la communauté dans un syndicat de communes ou un syndicat mixte qui exerce déjà cette compétence. »

Cette nouvelle disposition ne s’appliquera que dans les cas de création, fusion, et transformation en communauté d’agglomération ou en communauté urbaine à partir du 1er janvier 2016.

3. Au moment de la prise de compétence GEMAPI par l’EPCI, le principe de la représentation-substitution au sein d’un syndicat s’appliquera également :

Pour ce qui concerne une simple extension de compétences, le principe est celui de la substitution de l’EPCI au sein du syndicat compétent pour les communes membres concernées (article L.5216-7 III alinéa 2 du CGCT).

Par conséquent, seules trois conditions cumulatives emporteraient retrait de la compétence GEMAPI au 1er janvier 2016 du syndicat auquel pouvait appartenir les communes de l’EPCI à fiscalité propre :

  • L’EPCI à fiscalité propre n’est pas préalablement compétent en matière de GEMAPI ;
  • L’EPCI à fiscalité propre est une communauté d’agglomération ou une communauté urbaine ;
  • L’EPCI à fiscalité propre n’est pas intégralement inclus dans le périmètre du syndicat.

Depuis le 1er janvier 2014, les collectivités territoriales compétentes peuvent instituer une taxe facultative dite GEMAPI pour le « financement des travaux de toute nature permettant de réduire les risques d’inondation et les dommages causés aux personnes et aux biens. » (article 1530 bis du CGI).

Cette taxe est toutefois plafonnée à 40€ par habitant et par an. Elle doit d’ailleurs faire l’objet d’un budget annexe spécial. Le produit de la taxe est réparti entre les contribuables assujettis aux quatre taxes directes locales (TH, TFB, TFNB, CFE). Le produit global de cette taxe est arrêté avant le 1er octobre de chaque année pour application l’année suivante par l’organe délibérant de l’EPCI.

Par ailleurs, les financements actuels (subventions accordées) par les autres personnes publiques ne sont pas remis en cause. Ils sont toutefois toujours limités à 20% minimum d’autofinancement par le maître d’ouvrage (article L.1111-10 du CGCT).