Compensation des pertes de recettes fiscales des régions d’outre-mer

Une compensation des pertes d’octroi de mer et de taxe spéciale sur la consommation est prévue pour les conseils régionaux et collectivités territoriales uniques d’outre-mer.

Là encore, ne seront pas compensées les pertes liées à la mise en place d’abattements, exonérations ou dégrèvement décidées par l’organe délibérant.

La perte sera évaluée par la différence entre le produit moyen 2017-2019 de ces deux ressources avec leur montant 2020. Un acompte sera versé dès l’été 2020 au vu d’une évaluation provisoire.

Avances remboursables de DMTO pour les départements

Sont éligible sur demande la ville de Paris, la Métropole de Lyon, la collectivité de Corse, le Département de Mayotte, et les collectivités territoriales unique de Guyane et de Martinique.

Contrairement aux communes et aux EPCI, ainsi qu’aux régions ultramarines, les Départements ne bénéficieront pas d’une dotation mais d’une avance remboursable, dont le montant est défini comme pour les dotations, par la différence (perte) de ressources entre 2020 et la moyenne 2017-2019 pour :

  • Droits de mutation à titre onéreux (DMTO),
  • Taxe de publicité foncière,
  • Taxe additionnelle aux droits de mutation à titre onéreux et à la taxe de publicité foncière.

Ces avances feront l’objet d’un versement provisoire au 3ème trimestre 2020, en recettes de fonctionnement, établi sur la base de l’estimation des pertes en 2020, puis d’un ajustement en 2021, et d’un remboursement par les départements bénéficiaires en 2021 et 2022.

L’optimisme est de mise puisque le Gouvernement prévoit explicitement que des remboursements anticipés pourront être effectués dès 2020.

Les communes, EPCI, ville de Paris et Métropole de Lyon, peuvent par délibération prise avant le 31 juillet 2020 (et à partir du 10 juin 2020), exonérer de taxe de séjour et de taxe de séjour forfaitaire, tous les redevables au titre de l’exercice 2020, selon deux cas de figure :

  • Taxe de séjour au réel : exonération de tous les redevables sur tout le territoire pour la période allant du 06 juillet au 31 décembre 2020,
  • Taxe de séjour au forfait : exonération de tous les redevables sur tout le territoire pour la totalité de l’exercice 2020. Les sommes déjà perçues devront alors être restituées aux redevables qui en font la demande.

Plus étonnant, lorsque les communes, EPCI, ville de Paris et Métropole de Lyon prennent cette délibération, l’exonération totale vaudra aussi pour la taxe additionnelle départementale et la taxe additionnelle de la Région Ile-de-France à la taxe de séjour.

Ainsi, d’une part, il n’est pas possible de moduler l’exonération (elle doit concerner la totalité des redevables pour la totalité de la période visée (forfait : tout l’exercice 2020 ; réel : 06/06 – 31/12 de l’année 2020), et la délibération impactera les recettes d’une autre collectivité (le département ou la région Ile-de-France).

En cas d’adoption, les sommes déjà encaissées devront alors être restituées, sur demande du redevable (taxe de séjour, taxe de séjour forfaitaire et taxes additionnelles). Par ailleurs, les redevables de la taxe de séjour seront alors dispensés de la déclaration sur les nuitées pour la période visée.

La compensation se calcule en comparant le total des recettes listées ci-dessous pour leur moyenne arithmétique 2017, 2018 et 2019 (somme des 3 années divisée par 3), et les recettes de l’exercice 2020. Si les recettes 2020 sont inférieures à la moyenne calculée, alors il y a compensation.

Pour les communes et les EPCI à fiscalité propre, les recettes prises en compte sont les suivantes :

PLFR3 Ressources garanties communes EPCI - EXFILO
PLFR3 Ressources garanties communes EPCI – EXFILO

Ne sont donc pas inclus dans cette liste les produits des services et des activités proposés par les communes et les EPCI.

La compensation se calcule en comparant le total des recettes listées ci-dessous pour leur moyenne arithmétique 2017, 2018 et 2019 (somme des 3 années divisée par 3), et les recettes de l’exercice 2020. Si les recettes 2020 sont inférieures à la moyenne calculée, alors il y a compensation.

Toutefois, ne sont pas compensées les pertes de recettes ayant pour origine :

  • L’adoption d’une exonération, abattement ou dégrèvement au titre de l’année 2020 mise en œuvre sur délibération de l’organe délibérant,
  • Une baisse de taux d’imposition en 2020 sur délibération de l’organe délibérant.

Cette compensation pourra faire l’objet d’un acompte basé sur l’évaluation des pertes de recettes pour 2020, puis d’un ajustement en 2021 au vu des pertes réelles. En cas de surcompensation en 2020, la différence devra être reversée.

Les syndicats qui gèrent la compétence Transport (hors Ile-de-France Mobilités) sont éligibles à la garantie pour leur produit de Versement Transport. Le montant de la dotation est égal à la différence, si elle est positive, entre le produit moyen de versement mobilité perçu entre 2017 et 2019 et le produit de ce même versement perçu en 2020.

L’application de ces dispositions est soumise à la publication d’un décret devant en préciser les modalités. Deux points sont précisés dans le PLFR3 :

  • Un décret pour définir les conditions de prise en compte d’une perte de recettes des redevances et recettes d’utilisation du domaine sur délibération de la commune,
  • Un décret pour préciser les modalités de prises en compte des modifications de périmètres des EPCI.

En effet, dans le cas des intercommunalités ayant fusionnés et opérés une harmonisation des taux d’imposition, l’enjeu ne sera pas négligeable : pour éviter des variations du taux d’imposition consolidés (commune + EPCI) aux quatre taxes directes locales, les pactes financiers et fiscaux ont prévu :

  • Que les communes faisaient varier leur propre taux inversement à celui de l’EPCI, la variation de produit fiscal étant compensée via les attributions de compensation. Si une commune a diminué ses taux d’imposition de la taxe d’habitation, des taxes foncières et de la CFE (pour cette dernière taxe, en cas de fiscalité additionnelle),
  • Voire que les harmonisations des taux additionnels des EPCI fusionnés étaient effectués « à la hausse », permettant à chaque commune de diminuer ses taux (au lieu de devoir afficher peu de temps avant les élections, une augmentation).

Par ailleurs, quelle prise en compte de la récupération du taux de taxe d’habitation en 2020 pour les collectivités et EPCI qui avaient dû augmenter leur taux depuis 2017 ? Ces questions restent en suspens pour l’instant.

L’ordonnance du 25 mars 2020 sur les mesures de continuité budgétaire, financière et fiscal des collectivités territoriales et EPCI organise le report des délais et dates limites de vote des budgets et des taux d’imposition (lien).

Ainsi, pour 2020, en l’absence de budget primitif voté, l’exécutif de la collectivité ou de l’EPCI peut, sans autorisation de l’organe délibérant, engager, liquider et mandater la totalité des dépenses d’investissements dans la limite des montants prévus au budget de l’exercice 2019 (article 3 de l’ordonnance). Pour les dépenses de fonctionnement, les dispositions actuelles autorisent déjà l’exécutif à engager, liquider et mandater, les dépenses de fonctionnement dans la limite du budget de l’exercice précédent.

Par ailleurs, l’exécutif peut aussi opérer des mouvements de crédits de chapitre à chapitre à l’exception du chapitre des dépenses de personnel, dans la limite de 15% du montant des dépenses réelles de chaque section, sans autorisation de l’organe délibérant.

La date limite de vote du budget est reporté pour l’exercice 2020, au 31 juillet (article 4). A défaut de communication des informations indispensables au vote du budget par la Préfecture (et listées ici) avant le 15 juillet, un délai supplémentaire de 15 jours (jusqu’au 15 août donc) est octroyé pour le vote du budget. De même, la date limite d’adoption des comptes administratifs 2109 est repoussée au 31 juillet 2020. Le compte de gestion doit être transmis par le comptable avant le 1er juillet 2020.

La date limite de vote des taux d’imposition des taxes directes locales est repoussée au 03 juillet 2020 (article 11). La notification aux services fiscaux des délibérations doit intervenir avant le 1er septembre 2020 (article 12).

Les délégations en matière d’emprunts ayant pris fin en 2020 sont rétablies et valables jusqu’à la première réunion de l’organe délibérant (article 6). Il s’agit de la possibilité pour le maire ou président de réaliser des emprunts ou toute opération de dette.

La date d’institution de la taxe locale sur la publicité extérieure (TLPE) et de modification des tarifs est repoussée du 1er juillet au 1er octobre 2020 (articles 8 et 9).

La date d’institution de la redevance d’enlèvement des ordures ménagères (REOM) et de la REOM incitative est repoussée du 1er juillet au 1er octobre 2020 (article 10). L’institution de la TEOMI (taxe d’enlèvement des ordures ménagères incitative) est repoussée du 15 avril au 03 juillet (article 13).

La Loi dite « COVID19 » adoptée le 22 mars 2020 contient deux dispositions relatives aux finances publiques locales.

Il s’agit d’une part du report de la date butoir pour l’adoption des budgets primitifs 2020 ainsi que des Comptes administratifs et des Comptes de gestion 2019 des collectivités au 31 juillet 2020.

Il s’agit d’autre part de la mise entre parenthèse de la démarche contractualisée de plafonnement de progression des dépenses de fonctionnement (Pacte de Cahors), au vu des efforts demandés par l’Etat, et mis en œuvre, notamment par les Régions.

Il convient par ailleurs d’ores et déjà de s’interroger sur les effets futurs de la crise économique qui devrait faire suite à la crise sanitaire. La Loi de Finances rectificative adoptée le 23 mars 2020 est ainsi construit sur une hypothèse de croissance corrigée de + 1,3% à -1%.

Le nouveau mandat 2020-2026 des élus locaux ne démarre pas sous les meilleurs auspices.

Des ressources fiscales 2021 pourraient ainsi évoluer défavorablement.

Ce sera certainement le cas de la Cotisation sur la Valeur Ajoutée des Entreprises, dont le produit est directement lié à l’activité économique. D’après le Rapport 2019 de la Cour des Comptes sur les finances locales publié en Juin 2019, la C.V.A.E. représente 34% du produit de la fiscalité économique du bloc communal. Son évolution annuelle moyenne s’établissait à 2,2% de 2013 à 2018, soit un taux supérieur à l’inflation.

Pour 2021, le produit fiscal perçu pourrait s’inscrire à la baisse.

2021 constituera également l’année d’entrée en vigueur de la compensation par l’Etat de la suppression de la taxe d’habitation par une fraction de la Taxe sur la Valeur Ajoutée (T.V.A.) pour les Etablissements Publics de Coopération Intercommunale. Or, le produit de T.V.A. pourrait s’inscrire en nette baisse en 2020 par rapport à l’année précédente, alors que sa progression annuelle moyenne s’établissait à 2,6% sur les vingt dernières années (voir nos articles précédents sur le sujet).

Si les dispositions de la Loi de Finances initiale sont maintenues telles quelles, cette évolution défavorable pourrait être sans effet pour les E.P.C.I. Le texte prévoit en effet un mécanisme de garantie pour les Collectivités à hauteur du produit de taxe d’habitation perçu en 2020 avec les taux appliqués en 2017 (et corrigé des rôles supplémentaires). Le produit versé aux collectivités serait préservé en 2021, au niveau de 2020.

Il y a cependant fort à parier, qu’en cas de reprise de l’activité économique dès 2021, et donc du montant de T.V.A. perçu par l’Etat, le taux de progression du reversement aux collectivités concernées ne soit pas appliqué comme cela était initialement prévu pour les années suivantes…

… Et que, par ailleurs, de nouvelles dispositions ne manqueront pas de solliciter les Collectivités locales pour participer au redressement des finances publiques, le déficit public étant attendu aux alentours de 4% en 2020, au vu des circonstances exceptionnelles.

Pour rappel, après la crise financière de 2008/2009, c’est un effort de dix milliards d’euros sur les dotations de l’Etat qui avait été mis en œuvre entre 2014 et 2017.

L’article 6 de la loi de finances pour 2020 attribue aux établissements publics de coopération intercommunale (EPCI), une fraction (quote-part) de la TVA nationale en remplacement de leur taxe d’habitation supprimée. Vous pouvez voir dans cet article l’évolution de la TVA ces 20 dernières années. Pour mémoire, cette fraction de TVA est calculée comme le rapport entre le produit de TH additionnel supprimé (majoré de la moyenne des rôles supplémentaires sur 3 ans et des compensations fiscales), et le produit national de la TVA. Tous les EPCI bénéficieront donc d’une quote-part du produit national de TVA. Cette fraction sera figée et s’appliquera chaque année au produit de TVA N-1 pour calculer l’attribution de TVA N de chaque EPCI.

Ceci implique dès lors que le produit de TVA attribué à chaque EPCI évoluera de manière identique à tous les autres EPCI : toutes les TVA attribuées progresseront comme le produit national de TVA. C’est d’ailleurs un des arguments présentés par le Gouvernement en faveur d’un tel système, plutôt qu’une assiette locale ou qu’une part de foncier bâti. Ce serait une certaine solidarité nationale, dans la mesure où la TVA attribuée progresserait pour tous les EPCI de manière identique, que le territoire soit bien doté en entreprises ou non, qu’il soit rural ou urbain, etc…

Le point V.B.6 LF2020 octroie même, contrairement aux communes, une garantie en cas de baisse du produit de la TVA :

Si le produit de la taxe sur la valeur ajoutée attribué pour une année donnée représente un montant inférieur pour l’année considérée à la somme définie au 1o du 1 du présent B [Note: le produit de TH supprimé], la différence fait l’objet d’une attribution à due concurrence d’une part du produit de la taxe sur la valeur ajoutée revenant à l’Etat.

Loi de finances 2020, article 26, V.B.6

Ainsi, les ressources des EPCI seraient protégées en cas de diminution de la TVA, puisque l’Etat garanti à chacun que la TVA attribuée ne soit pas inférieure à sa taxe d’habitation supprimée. Vraiment ?

Tout d’abord, il faut remarquer que la rédaction est bien celle d’une garantie individuelle, propre à chaque EPCI. D’une part car la référence à la TH supprimée est celle où l’on calcule la fraction de TVA de chaque EPCI, et d’autre part car la suite de la citation est : “Néanmoins, pour les établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre concernés,….”. Si certains sont concernés, c’est bien que d’autres ne le sont pas (cette suite présente les dispositions en cas de changement de périmètre des EPCI).

Reprenons : la TVA attribuée à chaque EPCI est une quote-part de la TVA nationale ; toutes les TVA attribuées progresseront donc du même taux de croissance (positif ou négatif), c’est à dire celui du produit national de TVA.

Dans quel cas de figure la TVA attribuée à un EPCI peut-elle devenir inférieure au produit de sa TH supprimé ? Comme la quote-part de TVA de chaque EPCI sera figée (calculée en 2021 au regard de la TH 2020), la seule possibilité pour que cette fraction de TVA diminue est que le taux de croissance soit négatif, c’est à dire que le produit de TVA national lui-même diminue. Or toutes les produits intercommunaux de TVA évoluant comme la TVA nationale, le seul cas où la garantie pourrait être amenée à s’activer est celui où le produit national de TVA de l’année N diminue pour devenir inférieur à son niveau 2020, et donc où toutes les TVA attribuées sont inférieures à leur niveau initial de 2021, c’est à dire qu’il faut garantir/compenser tous les EPCI en même temps.

C’est une garantie individuelle qui ne peut s’activer que collectivement. Or on peut s’interroger sur la capacité de l’Etat à compenser la baisse de la TVA nationale pour tous les EPCI et en plus à subir la baisse de sa propre part de TVA, dans un contexte de réduction du déficit public ! En d’autres mots, le jour où cette garantie pourrait s’appliquer, le législateur risque de s’empresser de la supprimer pour ne pas faire porter au budget de l’Etat un fardeau excessif au regard de l’objectif de déficit public.

L’article 256 de la loi de finances pour 2020 codifie les dispositions relatives à la dotation de solidarité communautaire qui figuraient à l’article 1609 nonies C CGI et les complète. Ces dispositions figurent désormais à l’article L.5211-28-4 du code général des collectivités territoriales, et sont retirées de l’article 1609 nonies C CGI.

La dotation de solidarité communautaire (DSC) reste optionnelle pour les communautés de communes et les communautés d’agglomération mais les critères de répartition, en l’absence de contrat de ville signé par l’EPCI, sont modifiés. Alors que la DSC devait jusque-là être répartie en tenant compte prioritairement de l’importance de la population ou du potentiel fiscal ou financier par habitant, les DSC doivent dorénavant tenir compte majoritairement :

  • de l’écart de revenu par habitant de la commune par rapport au revenu moyen par habitant de l’EPCI,
  • de l’insuffisance du potentiel financier ou fiscal par habitant de la commune par rapport au potentiel financier ou fiscal moyen par habitant sur le territoire de l’EPCI,
  • Ces deux critères doivent être pondérés par la population communale dans la population totale de l’EPCI : il n’est plus possible par exemple de répartir une enveloppe de la dotation en fonction du critère de l’écart du potentiel fiscal par habitant sans tenir compte de la population de chaque commune ensuite.
  • D’autres critères peuvent être librement choisis par le conseil communautaire.

La notion de critère majoritaire est précisée : ces critères doivent justifier au moins 35% du montant total de la DSC. Cette nouvelle définition, d’une majorité à 35%, pose une question : Si ces critères doivent être majoritaires sans pouvoir être inférieur à 35% de l’enveloppe, cela signifie-t-il que les autres critères ne peuvent dépasser le poids de 35% pris individuellement ? Il semble que la réponse soit affirmative.

Le terme justifier ne pose pas de difficultés, puisqu’il s’applique à l’enveloppe totale : ainsi, les autres critères peuvent conduire à avoir des répartitions pour certaines communes qui s’expliquent à moins de 35% par les deux critères légaux, si l’enveloppe totale est répartie à 35% au moins par ces deux critères.

En cas de présence d’un contrat de ville signé par l’EPCI, les dispositions sont inchangés, le pacte financier de solidarité doit toujours être mis en oeuvre. A défaut de mise en place d’un pacte dans le délai d’un an à compter de la signature du contrat de ville, alors une dotation de solidarité communautaire spécifique, à destination des communes concernées par le contrat de ville, doit être instituée, répartie selon les critères évoqués ci-dessus et représenter au moins 50% de la croissance des produits de la fiscalité professionnelle unique. S’agissant d’une DSC à destination des communes concernées par le contrat de ville, le législateur n’a toujours pas précisé si la croissance des produits de la FPU s’entendait sur la totalité du territoire de l’EPCI ou sur la ou les communes concernées par le contrat de ville uniquement, ce qui laisse le choix.

Enfin, le législateur a mis une limite à l’obligation de mise en place d’une DSC dans les pactes financiers et fiscaux de solidarité des EPCI issus de fusion, lorsque les potentiels financiers agrégés des EPCI fusionnés présentaient un écart d’au moins 40%. Seuls les EPCI fusionnés depuis moins de trois ans sont dorénavant soumis à cette obligation.

Les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) vont bénéficier en remplacement de la taxe d’habitation sur les résidences principales, d’une fraction du produit national de la taxe sur la valeur ajoutée.

Lors de son congrès 2019 à Nice, l’ADCF a milité pour le rétablissement d’un lien avec le territoire, notamment via l’obtention d’une partie du foncier bâti départemental. Toutefois, le Gouvernement a présenté l’octroi d’une fraction de la TVA comme un outil de solidarité : ce produit fiscal de substitution à la TH progressera de manière identique pour toutes les intercommunalités, que celles-ci soient ou non bien dotées en contribuables professionnels. En effet, chaque intercommunalité bénéficiera d’une quote-part de la TVA nationale, dont le produit 2021 permettra d’assurer la compensation à l’euro près du produit de taxe d’habitation supprimé. Mais quelle évolution attendre pour les années suivantes ?

La taxe sur la valeur ajoutée est un impôt assis sur la consommation : il peut fortement progresser en cas de croissance économique, mais il peut aussi diminuer si le cycle économique n’est pas favorable.

La TVA a progressé en moyenne de +2,6% par an sur les 20 dernières années

Si la taxe d’habitation bénéficiait d’une évolution relativement régulière, notamment par la revalorisation forfaitaire des valeurs locatives, quid de l’évolution de la TVA ? Sur quelle base partir dans vos projections financières ?

A partir du rapport de juillet 2015 sur la TVA du Conseil des Prélèvements Obligatoires, et des séries longues diffusées par l’INSEE (série 1995-2018, du 22/05/2019), nous avons compilé les produits nationaux de TVA sur la période 1995-2018.

En moyenne, entre 1995 et 2018, le produit de TVA a progressé de +2,8% par an. Et le produit de TVA n’a diminué qu’une seule fois sur cette période, en 2009 de -5,4% (pour revenir à un niveau proche de 2006).

TVA série longue - EXFILO
TVA série longue – EXFILO

Sur la période 1995-2018, le taux normal de TVA a varié (passant de 20,6% en 1995 à 19,60% en 2000, puis 20% en 2014) : c’est d’ailleurs une question : que se passerait-il si l’Etat augmentait ou diminuait un des taux de TVA ? En l’état, les EPCI sont bénéficiaires d’une fraction de la TVA, celle-ci pouvant évoluer suivant la consommation (base d’imposition) ou le taux.

Ces dernières années, en particulier depuis 2017, le produit de la TVA est en forte croissance : +4,8% en 2017, +4,3% en 2018

Moyenne annuelleTaux de croissance TVA
1995-20182,8%
1998-20182,6%
2008-20182,1%
2014-20183,3%

La suppression de la taxe d’habitation et son remplacement par le foncier bâti départemental conduit à l’application d’un coefficient correcteur (voir cet article pour les explications sur le mécanisme). Le projet de loi de finances pour 2020 institue un système de compensation / prélèvement, mais masqué pour les collectivités, le budget de l’Etat jouant le rôle de variable d’ajustement.

Pour les collectivités qui reçoivent moins de produit de foncier bâti qu’elles ne perdent de produit de taxe d’habitation, le coefficient correcteur qui s’appliquera au foncier bâti sera supérieur à 1. Et il sera inférieur à 1 pour les collectivités qui récupèrent plus de foncier bâti qu’elles ne perdent de taxe d’habitation.

A partir des données publiques de la fiscalité locale 2018, nos consultants ont calculé pour l’ensemble des communes de France, la compensation et le prélèvement, ainsi que le coefficient correcteur. En voici les principaux résultats, sous forme de deux tableaux et une carte.

Remarquons tout d’abord que, parmi les communes bénéficiant d’une compensation, c’est à dire avec un coefficient correcteur supérieur à 1, qui donc ont reçu moins de foncier bâti départemental qu’elles n’ont perdu de taxe d’habitation, les communes de taille importante sont très majoritairement concernées. 72% des communes de plus de 30 000 habitants bénéficient d’une compensation, avec un coefficient correcteur moyen de 1,24 : le produit fiscal de foncier bâti qu’elles percevront sera majoré de 24% en moyenne ! Le montant moyen ressort à 11,2 millions d’euros du fait des très grandes communes (Marseille, Nice,…).

A l’opposé, les communes de petite taille concernées par la compensation sont minoritaires : seules 1/4 des communes de moins de 500 habitants bénéficieraient d’une compensation, pour un coefficient moyen de 1,08 et un montant moyen de près de 10 000€.

Ensuite, concernant les communes prélevées, c’est à dire celles avec un coefficient correcteur inférieur à 1, donc des communes qui ne percevront pas la totalité des cotisations de foncier bâti des contribuables (ménages et entreprises) de leur territoire, la situation est logiquement inversée. Les communes de moins de 500 habitants sont aux 3/4 concernées par un prélèvement, avec un coefficient correcteur moyen de 0,65-0,7, et les communes entre 500 et 5000 habitants sont à 60% concernées par un prélèvement, avec un coefficient correcteur de 0,75-0,8.

Seules 28% des communes de grande taille sont concernées par le prélèvement, avec un coefficient correcteur moyen de 0,81.

Qu’en conclure ? Plusieurs points :

  • Tout d’abord, le mécanisme du coefficient correcteur, annoncé en substitution de celui du fonds de compensation (tel que pour la TP), et annoncé comme plus juste car évolutif alors que le fonds est figé, est généralement défavorable aux communes de petite taille. Elles sont très majoritairement concernées par un prélèvement, et ce prélèvement va augmenter comme les bases d’imposition. Avec un système de fonds tel que celui pour la suppression de la taxe professionnelle, elles subissaient aussi un prélèvement, mais au moins figé.
  • A l’inverse, les communes de grande taille sont elles, majoritairement concernées par une compensation. Elles bénéficieront donc pleinement de ce système puisque la compensation qui leur sera versée sera progressera comme les bases d’imposition.
  • La carte de France ci-dessus présente les estimations de coefficient correcteur pour toutes les communes : plus la couleur est foncée, plus le coefficient correcteur est élevé, et plus la commune reçoit de compensation. A l’inverse, plus la couleur est blanche, plus le coefficient est bas, et plus la commune est prélevée. Remarquons que le caractère urbain / rural ressort nettement : les zones côtières de PACA, de Nouvelle aquitaine, la bretagne et les pays de la loire, la savoie et la région lyonnaise, l’ile de france bénéficieront d’une compensation. A l’inverse, les régions d’occitanie (hors Toulouse et son agglomération), Grand Est, l’Auvergne, Normandie, sont elles nettement des zones de prélèvement.
  • Ensuite, la pérennité de ce système doit être posée. Le développement (et la progression de la fsicalité) étant généralement plus urbain que rural, les compensations versées par l’Etat vont avoir tendance à progresser plus rapidement que les prélèvements. D’où un risque d’alourdissement de la facture pour l’Etat. Et vu l’exemple des compensations précédentes, des mesures décidées par l’Etat qui à terme finissent toutes par être minorées, croire que la mise en place d’un coefficient correcteur permettra de se prémunir face à de futures diminutions est un leurre.
  • Lorsqu’un contribuable (entreprise ou ménage propriétaire) s’installera sur une commune de petite taille, sa cotisation de foncier bâti sera pour partie seulement versée à la commune d’implantation (coefficient inférieur à 1).

Cette situation aurait eu lieu avec un mécanisme de fonds de compensation. Mais cette fois-ci, il s’appliquera aussi aux nouvelles arrivées de contribuables.

A compter de 2021, les communes bénéficieront de la part départementale de la taxe d’habitation. Ainsi, le taux d’imposition de référence de foncier bâti communal pour 2021 sera égal à la somme du taux communal de foncier bâti 2020 et du taux départemental de foncier bâti 2020 (qui ne sont pas figés contrairement au taux de taxe d’habitation).

Toutefois, le produit de la part départementale du foncier bâti peut être différent du produit perdu en matière de taxe d’habitation. Le dispositif de compensation de la suppression de la taxe d’habitation pour les communes se distingue de celui de la suppression de la taxe professionnelle : plutôt qu’une dotation figée (prélèvement ou reversement), le Gouvernement propose l’application d’un « coefficient correcteur » (point 4. de l’article 5).

Ce coefficient correcteur s’appliquera sur le produit de taxe foncière sur les propriétés bâties avant prise en compte des évolutions du taux depuis 2020.

Comment fonctionne le coefficient correcteur ?

Schématiquement, si la suppression de la taxe d’habitation et son remplacement par le produit du foncier bâti départemental conduit à une perte de produit fiscal, qui par exemple représenterait 20% du produit de foncier bâti commune et département, alors le coefficient correcteur sera de 1,2. Il s’appliquera sur le foncier bâti avant prise en compte des variations de taux depuis 2020.

Le produit fiscal de foncier bâti versé à la commune sera donc calculé à partir de deux parts :

  • une part “compensation”, qui vise à affecter à chaque commune au moins ce dont elle disposait avec la suppression de la taxe d’habitation,
  • une part “évolution du taux”, égale à Bases x Taux, mais sans le coefficient correcteur, pour tenir compte des variations de taux qui seraient décidées les années futures.

A l’inverse, si la suppression de la taxe d’habitation et son remplacement par le foncier bâti départemental conduit à un surplus de recette, supérieur à 10 000€, alors le coefficient sera inférieur à 1 (et correspondra alors à un prélèvement).

Enfin, pas de coefficient si le gain de produit fiscal est au plus égal à 10 000€.

Une compensation évolutive …

La compensation (cas d’un coefficient correcteur supérieur à 1) et le prélèvement (cas d’un coefficient correcteur inférieur à 1) progresseront comme les bases d’imposition.

Ainsi, ce coefficient s’appliquant sur les bases d’imposition de chaque année, la compensation de la suppression de la taxe d’habitation sera évolutive, contrairement à la suppression de la TP qui avait conduit à des compensations figées. Mais l’évolution jouera dans les deux sens : pour reprendre l’exemple précédent d’un coefficient de 1,2, si les bases progressent, la commune bénéficiera d’un supplément de 20% y compris sur la croissance future des bases ; si les bases diminuent, la compensation (les 20% en plus du produit “normal” de foncier bâti) et le produit fiscal diminueront.

… Qui pose questions

L’application d’un coefficient correcteur conduit à “distendre” le lien avec le territoire : le coefficient correcteur s’appliquera aussi aux bases d’imposition futures. Si une commune bénéficie d’un coefficient de 1,2, alors chaque contribuable (entreprise ou particulier) qui s’installera au cours des années futures sur la commune génèrera pour la commune un produit fiscal 20% supérieur à celui que le contribuable aura réellement payé ! Un effet de levier intéressant … payé par l’Etat … pour le moment.

A l’inverse, une commune qui aurait un coefficient inférieur à 1 ne percevra pas la totalité de la fiscalité de foncier bâti des contribuables de son territoire. Y compris pour les nouveaux arrivants.

Ce système, dont le budget de l’Etat constitue la variable d’ajustement, est équilibré, si toutes les augmentations de compensation (coefficients supérieurs à 1) sont compensées par des prélèvements en hausse (coefficients inférieurs à 1). Or les territoires faisant l’objet de prélèvement étant plutôt situés en zone urbaine, donc potentiellement plus évolutifs, le coût à la charge de l’Etat pourrait croître avec le temps. Ce qui nécessairement interroge sur la pérennité d’un tel système.