Articles

Parmi les ratios les plus utilisés pour apprécier la situation financière d’une collectivité locale, la capacité de désendettement mesure le rapport entre l’encours de la dette et l’épargne brute. Elle vise à traduire en termes simples, la durée théorique que mettrait une collectivité à rembourser l’intégralité de son encours de dette, mais aussi à la comparer à d’autres collectivités.
La DGCL publie chaque année son ouvrage Les finances des collectivités locales, qui permet d’avoir une vue générale sur l’évolution de ce critère. Nous avons compilé l’évolution de la capacité de désendettement des communes, groupements, départements et régions de 2016 à 2023 (et même depuis 2011 pour les communes, en les distinguant suivant leur taille démographique).

A vous de vous comparer !

La capacité de désendettement est un ratio d’analyse financière des collectivités locales qui mesure le rapport entre l’épargne nette et la dette, la première finançant la seconde. Elle se calcule comme l’encours de la dette rapport à l’épargne brute (ou capacité d’autofinancement).

Il s’agit d’une valeur théorique, qui indique en nombre d’années le temps qu’il faudrait à une collectivité pour rembourser l’intégralité de sa dette si elle y consacrait l’intégralité de son épargne nette. Pour autant, il permet de comparer l’encours de dette d’une collectivité à ses moyens de la rembourser, de comparer des collectivités entres elles, mais aussi de la comparer à la durée moyenne de la vie de la dette (sur la base du niveau actuel de remboursement en capital, dans combien d’années la dette sera remboursée).

Afin de vous permettre de vous positionner par rapport aux autres collectivités, nous avons compilé l’évolution de la capacité de désendettement des communes, (moins de 3500, 3500-10000 et plus de 10000 habitants), EPCI, départements et régions entre 2011 et 2022.

La grande majorité des Collectivités locales, Communes et intercommunalités, Département et Région financent en partie leurs investissements en ayant recours à l’emprunt.

Le choix de privilégier une part de financement par la dette est d’autant plus attrayant que les taux d’intérêts proposés par les établissements bancaires se situent à des niveaux historiquement faibles. Une augmentation de l’encours de la dette, communale ou communautaire, n’est donc pas nécessairement la traduction de difficultés budgétaires que rencontrerait la Collectivité.

Existe-t-il pour autant un « bon » niveau d’endettement ou une limite qu’il ne faudrait pas franchir ?

Les données individuelles publiées par la Direction Générale des Collectivités Locales intègrent l’encours de la dette de chaque collectivité, puis établissent un ratio d’endettement par habitant qui est ensuite comparé à la moyenne des collectivités de même strate de population.

Ce ratio néanmoins, s’il a son utilité, ne constitue pas l’alpha et l’oméga de l’analyse financière de la collectivité. C’est la capacité de désendettement qui est le ratio privilégié par le Cabinet Conseil EXFILO, comme par la plupart des analystes.

Plutôt que le montant en euros de la dette ramené au nombre d’habitants, il s’agit alors de déterminer le nombre d’années nécessaires à la Collectivité pour rembourser la totalité de la dette, si elle y consacrait la totalité de son épargne brute. Autrement dit, plus que le montant en valeur absolue de l’encours de dette, l’analyse s’intéressera à la capacité de la Collectivité à y faire face.

Illustration :

Les Communes A et B comptent un nombre d’habitant identique. La dette de la Commune A est supérieure à celle de la Commune B, de près de 50%. Le ratio Encours de dette / population est logiquement dégradé pour la Commune A comparé à la Commune B.

Pour autant, au vu de l’épargne brute disponible, la situation de la Commune A est meilleure que celle de la Commune B. En effet, la Commune A dispose d’une meilleure capacité à prendre en charge sa dette que la Commune B, au regard de son épargne brute budgétaire.

Le ratio de la capacité de désendettement renseigne de façon plus précise l’analyste sur la situation de la Collectivité. Et au-delà de la valeur à l’instant t de ce ratio, c’est à son évolution dans le temps qu’il devra être porté attention. Une dégradation continue sur une période pluriannuelle est tout autant significative que le respect d’un seuil de 10 ou 15 ans.

Comment calculer la capacité de désendettement d’une collectivité ? Quelles analyses peut-on en tirer ? Une présentation de Pierre-Olivier, cabinet EXFILO

Plusieurs ratios permettent d’analyser la dette d’une collectivité. Cette analyse est importante et permet de mesurer le poids de la dette de la collectivité, à travers plusieurs indicateurs.

 

Encours de dette par habitant : indicateur permettant d’effectuer des comparaisons de l’encours de dette, avec d’autres collectivités, ou encore avec la moyenne de la strate démographique de la collectivité

Encours de dette par habitant = encours total de la dette / population INSEE

 

Encours total de la dette sur les produits de fonctionnement : ratio également appelé « ratio de surendettement », il permet de mesurer le poids de la dette par rapport à la richesse de la collectivité. C’est un ratio qui se mesure en pourcentage. Ce ratio peut être comparé avec des collectivités comparables et les moyennes dégagées de la strate.

Encours de dette sur les produits de fonctionnement = encours de la dette sur/ recettes de fonctionnement

Si ce ratio est supérieur à 100%, cela signifie que l’encours total de la dette représente plus d’une année de fonctionnement.

 

Encours total de la dette sur l’épargne brute : ratio également appelé capacité de désendettement, il mesure la capacité d’une collectivité à s’acquitter des charges de sa dette.

Ce ratio répond à la question suivante : En combien d’années d’exercices budgétaires la collectivité peut-elle rembourser la totalité du capital de sa dette en supposant qu’elle y consacre l’intégralité de son épargne brute ?

Le résultat est présenté en années et peut être comparé avec des collectivités comparables et/ou des moyennes de strate. Pour l’apprécier le plus fiablement possible, il faut analyser l’évolution de ce ratio.

Capacité de désendettement = encours total de la dette / épargne brute

 

Quels seuils de désendettement retenir ?

Le niveau d’endettement d’une collectivité est partiellement lié à la durée de vie des équipements financés en section d’investissement. Généralement, une collectivité cale la durée de ses emprunts sur la durée de vie de ses équipements. Une collectivité en phase d’investissement (et donc en phase d’endettement) aura tendance à avoir un ratio de capacité de désendettement se dégradant. Cela n’affectera pas sur le long terme la situation financière de la collectivité si elle ramène par la suite ce ratio à des niveaux convenables. C’est donc l’évolution de ce ratio qu’il faut regarder.

Par exemple, une collectivité ayant une capacité de désendettement de 9 ans parait en bonne situation, mais si l’année précédente sa capacité de désendettement était de 6 années, alors la situation est peut-être déjà critique. Cette dégradation est trop rapide et il sera probablement très difficile d’inverser la tendance. D’autre part, une commune qui se maintient depuis plusieurs années avec une capacité de désendettement de 11 années par exemple, n’est pas forcément en mauvaise situation financière.

Il est paradoxalement plus dangereux d’avoir une capacité de désendettement en progression, quand bien même on serait en dessous des seuils d’alerte, que d’avoir une capacité de désendettement élevée mais stabilisée.

 

Le projet de loi de programmation des finances publiques (PLPFP) pour 2018-2022, qui sera adopté avant la fin de l’année 2017, introduit dans le code général des collectivités territoriales, un ratio d’endettement maximum.

L’article 24 du PLPFP définit le ratio d’endettement d’une collectivité ou d’un EPCI comme le rapport entre l’encours de dette au 31 décembre et la capacité d’autofinancement brute du même exercice (ou épargne brute). Ce ratio est calculé sur le budget principal et l’ensemble des budgets annexes. C’est le ratio de la capacité de désendettement qui est ici visé.

La capacité d’autofinancement brute est égale à la différence entre les recettes réelles de fonctionnement et les dépenses réelles de fonctionnement (voir aussi cet autre article pour le détail).

Pour chaque type de collectivité et chaque catégorie d’EPCI, le plafond national de la capacité de désendettement :

  • Pour les communes de plus de 10 000 habitants, pour les EPCI de plus de 50 000 habitants : entre 11 et 13 années,
  • Pour les Départements et la Métropole de Lyon : entre 9 et 11 années,
  • Pour les Régions, les collectivités de Corse, de Guyane et de Martinique : entre 8 et 10 années,

A compter de l’exercice 2019 (donc en 2020), en cas de dépassement du plafond fixé, l’ordonnateur devra présenter à l’assemble délibérante un rapport spécial sur les perspectives financières, établissant une trajectoire de retour en-dessous des seuils fixés. Cette trajectoire devra préciser la période de retour sous les seuils, et les ratios attendus pour chaque année.

A défaut, ou si le rapport ne comporte pas de mesures de nature à respecter le plafond de capacité de désendettement, le Préfet saisit la Chambre Régionale des Comptes, qui rendra un avis sur la situation financière de la collectivité ou de l’EPCI, et des recommandations permettant de revenir en-dessous des seuils fixés.

Si les objectifs pris dans le cadre du rapport spécial sur les perspectives financières, ou les préconisations de la CRC, ne sont pas atteints sur un des exercices de la trajectoire de retour à l’équilibre, le Préfet saisit la CRC, qui devra proposer une trajectoire de retour en-dessous des seuils de capacité de désendettement, que la collectivité ou l’EPCI devra inscrire au budget primitif de l’exercice suivant. Si des mesures insuffisantes sont prises au budget primitif, le Préfet pourra appliquer l’article L.1612-10 CGCT et suspendre l’exécution du budget.

 

Lors de la rencontre du vendredi 22 septembre du Ministre de l’Intérieur, Gérard Collomb, et Ministre des comptes publics, Gérard Darmanin, une nouvelle nouvelle règle budgétaire pour les collectivités locales a été présentée. En effet, en complément de la règle actuelle qui oblige les collectivités à obtenir un équilibre section par section (fonctionnement et investissement), en complément de la règle sur le niveau de l’épargne brute (ou capacité d’autofinancement), qui doit être suffisant pour couvrir le remboursement en capital de la dette, le Gouvernement souhaite introduire une nouvelle règle de plafonnement du délai de désendettement (ou capacité de désendettement).

Pour mémoire, ce ratio traduit en nombre d’années la capacité d’une collectivité locale à rembourser l’intégralité de sa dette, si elle y consacrait tout son autofinancement (et arrêtait donc d’investir). Vous pourrez à ce sujet relire notre article de définition de la capacité de désendettement.

La capacité de désendettement maximal serait fixée à 12 années. En cas de non respect, le Préfet et les chambres régionales des comptes (CRC) émettront des préconisations de retour à l’équilibre, par la maîtrise des dépenses de fonctionnement.

Toutefois, le rétablissement de l’équilibre ne se fait pas pour l’instant uniquement par la « maîtrise » des dépenses de fonctionnement. On le voit avec les règles actuelles d’équilibre, si une collectivité a un compte administratif une année donnée qui ne respecte pas les règles d’équilibre fixées, alors la collectivité doit au budget suivant rétablir l’équilibre, et à défaut le Préfet prend la main pour appliquer les mesures qui s’impose. Dans un temps court, le Préfet a peu de choix : suppression de fonds de concours et de subventions, augmentation des impositions sont les deux principaux leviers sur lesquels il peut agir pour rétablir l’équilibre.